La pandémie du Covid 19 est sans précédent. En quelques semaines, nous sommes passés d’une crise sanitaire à une crise économique et peut-être demain, à une crise financière…

De nombreuses inconnues coexistent, rendant toutes prévisions économiques impossibles : pendant combien de temps l’épidémie va-t-elle continuer ? Comment l’économie va-t-elle redémarrer ? Dans quels délais ? La confiance des consommateurs va-t-elle revenir ?

Les prévisions économiques de la Commission européenne sont sombres : « L’Europe va connaître une récession économique sans précédent. Et il lui faudra au moins deux ans pour s’en remettre. Entre-temps, le chômage se sera envolé, l’inflation aura plongé, les comptes publics se seront dégradés… et les divergences entre l’Europe du Nord et du Sud se seront encore accrues, mettant en danger la cohérence même de la construction européenne ».

En 2020, l’activité de la France devrait se contracter de 8,2 % et le taux de chômage repasser la barre des 10 %. Dans la foulée, le déficit et la dette publics exploseraient…

Les entreprises seront touchées de plein fouet (baisse du chiffre d’affaires, du carnet de commandes, de la trésorerie). Elles devront s’adapter rapidement à la nouvelle situation créée par le Covid 19 ou disparaître !

Depuis le début de la crise sanitaire, l’activité partielle pour gérer la sous-activité, l’utilisation des jours de congés et la mise à disposition de personnel à d’autres entreprises ont servi d’amortisseur. L’activité partielle va être réduite de façon drastique. Les entreprises devront donc utiliser d’autres outils, en particulier l’accord de performance collective (APC) et la rupture conventionnelle collective (RCC).

Dans un article précédent, nous avons détaillé le rôle du CSE (comité social et économique) et des délégués syndicaux dans le cadre de cette crise et les outils disponibles pour défendre l’emploi et les salariés : https://www.groupe-ceolis.fr/actualite/646-role-economique-et-moyens-deaction-du-cse-apres-le-deconfinement.html

L’accord de performance collective (APC)

L’accord de performance collective (APC) a été créé par une ordonnance « Macron » du 22 septembre 2017. C’est un accord dérogatoire au droit commun qui permet à l’employeur d’imposer aux salariés des dispositions contraires ou incompatibles avec leurs contrats de travail.

Ce dispositif permet à l’entreprise d’adapter son organisation du travail aux nécessités liées à son fonctionnement et/ou de sauvegarder l’emploi. L’accord consiste à demander des concessions aux salariés (temps de travail, rémunération, mobilité professionnelle), pour passer le « cap » de la crise.

Le contrat de travail est automatiquement modifié par acceptation du salarié de l’application de l’accord. En cas de refus, le salarié est licencié pour un motif réel et sérieux, mais sans mise en œuvre du processus de licenciement pour motif économique.

L’accord peut porter sur l’ensemble du personnel, mais peut aussi ne concerner que certains établissements ou certaines catégories de salariés.

L’accord est conclu selon le droit commun des accords collectifs (règle majoritaire).

Le comité social et économique (CSE) peut mandater un expert-comptable ayant pour mission d’assister les organisations syndicales dans le cadre de la négociation.

L’accord de performance collective peut concerner la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition, la rémunération, la mobilité professionnelle ou géographique).

On peut donc imaginer, par exemple, une augmentation de la durée du travail sans augmentation proportionnelle du salaire, une réduction de la durée du travail sans compensation salariale, une réduction des salaires de base, une suppression des primes, un gel des augmentations, etc.

Les partenaires sociaux ont une grande liberté dans la rédaction de l’accord… sous réserve de respecter certaines limites d’ordre public.

Il est donc important de créer un terrain favorable à la négociation, en jouant la transparence. L'employeur doit communiquer aux partenaires sociaux un état des lieux précis de la situation de l'entreprise.

La société DERICHEBOURG AERONAUTICS vient de conclure un accord de performance collective (APC) avec les syndicats. L'accord prévoit une suppression des indemnités journalières transport, une suppression du 13ème mois pour les salariés cadres (rémunération supérieure à 2,5 SMIC) et un aménagement de la mobilité géographique volontaire. En contre-partie, la Direction de l'entreprise prend l'engagement de garantir l'emploi pendant 2 ans. Le salarié qui refuserait l'application de l'accord est susceptible d'être licencier pour motif personnel.

Les salariés du journal "L'Equipe", à l'inverse, ont refusé de voir les salaires et les RTT diminuer, dans le cadre d'un projet d'APC. Les salariés expliquent que depuis des années, ils ont fourni beaucoup d'efforts et que les plans sociaux se sont enchaînés. De nouveaux sacrifices ne sont plus acceptables.

Le ministère du Travail a publié le 15 juillet 2020, sur son site internet un "questions-réponses" sur l'APC.

La rupture conventionnelle collective (RCC)

L’accord portant rupture conventionnelle collective (RCC) est un accord collectif négocié par les partenaires sociaux puis validé par l’administration. Son objectif est de réduire les effectifs en évitant tout licenciement économique. Ce dispositif est donc basé sur les appels au volontariat.

Deux accords doivent être signés :

  • Un accord collectif conclu avec les partenaires sociaux,
  • Un accord individuel conclu avec chaque salarié.

L’entreprise peut engager un tel processus, alors même qu’elle n’a aucune difficulté économique… mais l’employeur doit maintenir l’emploi… C’est-à-dire qu’il ne peut pas procéder à un licenciement économique d’un salarié qui a refusé une rupture conventionnelle collective.

Le comité social et économique (CSE) est informé de la signature de l’accord, mais n’a pas d’avis à donner. Son rôle est donc réduit au strict minimum…

Avec la pandémie de Covid 19, l’accord de performance collective (APC) et la rupture conventionnelle collective (RCC) vont se multiplier dans les entreprises. Les délégués syndicaux, les membres du comité social et économique (CSE) doivent d’autant plus s’impliquer dans ces dispositifs, que tout est négociable (la loi ne donne que les grandes lignes).  Ce qui rend la défense des salariés plus compliquée…

Retrouvez notre article sur le site MIROIR SOCIAL : https://www.miroirsocial.com/participatif/covid-19-comment-adapter-lentreprise-aux-difficultes-economiques-venir

Didier FORNO

Expert spécialisé dans les CSE

Publié le 18/05/2020