En raison de l’épidémie de Covid 19, la France est confinée depuis le 17 mars 2020. À partir du 11 mai 2020, le déconfinement national s’amorcera progressivement. Ce qui veut dire un retour graduel des salariés dans les entreprises et un redémarrage de l’activité.

Dans un contexte d’une économie à l’arrêt suite aux mesures d’endiguement de l’épidémie, l’Insee vient de publier différents indicateurs économiques très inquiétants pour l’avenir. Le produit intérieur brut français s’est contracté de 5,8% au premier trimestre 2020. L’investissement des entreprises a enregistré un lourd recul de 11,8 %. La consommation des ménages a lourdement chuté, les consommateurs n’achetant plus que des biens de première nécessité.

Le gouvernement estime à ce stade, que la chute du PIB pour 2020 sera de 8%, mais pourrait être pire… Cette crise s’annonce, selon les termes du ministre de l’économie, aussi violente que cette de 1929.

La relance de l’activité s’annonce longue et difficile. De très nombreuses entreprises font connaître de graves difficultés. Les plans de licenciements vont se succéder, le chômage va exploser.

Dans ce contexte peu encourageant, les élus du CSE (comité social et économique) auront un rôle primordial à jouer pour défendre des intérêts des salariés. Il en sera de même des délégués syndicaux et des représentants de proximité. L’employeur aura tout intérêt à inclure l’ensemble de ces personnes dans le cercle de réflexion.

L’enjeu pour les entreprises et les représentants du personnel sera de répondre à la fois à des préoccupations immédiates (la sécurité des salariés), de moyen terme (la réorganisation de l’activité) et de plus long terme (évolution du modèle économique).

Différents chantiers de négociation collective devront s’ouvrir sur le télétravail, la qualité de vie au travail, l’organisation du temps de travail, etc.

 

De quels moyens disposent les élus du personnel, pour atténuer les conséquences de cette crise économique pour l’entreprise ?

Contrairement aux croyances, le CSE dispose d’outils efficaces pour comprendre la situation économique et financière de l’entreprise, « tirer » la sonnette d’alarme en cas de difficultés, défendre les salariés et l’emploi en cas de licenciements économiques.

 

Vigilance renforcée, anticipation et action rapide

Dans ce période mouvementée et incertaine, le CSE doit agir dans l’urgence. Toute inertie ou inaction sera préjudiciable aux salariés.

Les élus doivent en priorité procéder à un état des lieux de la situation économique et financière de l’entreprise. Ils disposent pour cette analyse de la base de données économiques et sociales (BDES). La BDES rassemble l'ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes que l'employeur met à disposition du comité social et économique. Elle doit être régulièrement mise à jour.

Le contenu détaillé de la BDES.

Dans les mois qui viennent, les élus du CSE devront suivre tout particulièrement les indicateurs suivants : évolutions du chiffre d’affaires, du carnet de commandes, des taux de marges, du niveau de trésorerie, des retards de paiements (clients, fournisseurs, dettes sociales).

Les élus interrogeront l’employeur sur les perspectives économiques. Ils doivent notamment analyser les documents prévisionnels. Les entreprises d’au moins 300 salariés ou qui ont réalisé plus de 18 millions d’euros de chiffre d’affaires, doivent mettre à disposition des élus, dans la BDES, les documents suivants : le tableau de financement, le plan de financement, le compte de résultat prévisionnel et la situation de l'actif et du passif.

Ces informations permettent au CSE d'avoir une vision en amont et d'en savoir plus sur la santé financière de l'entreprise et notamment de déceler au plus tôt d'éventuels signes de difficultés pour l'avenir. Cela permet au CSE de bénéficier d'une vision évolutive et prospective sur la santé de l'entreprise.

Les documents prévisionnels obligatoires.

Quels sont les moyens d’action du CSE, en cas de difficultés graves avérées ?

Le Code du travail a doté le comité social et économique d’un droit d’alerte économique. Au-delà du terme, qui peut faire peur, il faut comprendre que le droit d’alerte à un rôle de prévention et d’anticipation. Plus il est déclenché tôt, et plus il a de chance d’être efficace. Les élus du CSE ont souvent tendance, par peur des conséquences, de déclencher ce droit, beaucoup trop tard. Souvent, quand l’entreprise est au bord de la faillite… L’utilité de la démarche devient, dans ce cas nulle !

 

Le droit d’alerte économique

Lorsque le CSE a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, l’exercice du droit d’alerte économique lui permet de demander à l’employeur de lui fournir des explications (C. trav., art. L. 2312-63 et s.).

Le droit d’alerte économique suppose donc la caractérisation de faits préoccupants pour la situation économique de l’entreprise. Ces faits préoccupants peuvent recouvrir des situations diverses, le législateur ayant volontairement employé une formulation large.

La situation de pandémie actuelle du Coronavirus aura de graves conséquences économiques pour la plupart des entreprises. La pandémie actuelle s’inscrit évidemment, au rang des faits préoccupants pouvant affecter la situation économique de l’entreprise.

Le CSE qui entend faire usage de son droit d’alerte, doit dans un premier temps, faire une demande d’explications à l’employeur qui est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine réunion du comité (C. trav., art. L. 2312-63, al. 2).

L’employeur doit fournir au CSE des explications en réponse à sa demande.

Dans un deuxième temps, si l’employeur apporte des explications insuffisantes ou qui confirment le caractère préoccupant de la situation, voire n’apporte pas d’explications du tout, le CSE établit un rapport.

Ce rapport est destiné à être transmis à l’employeur et au commissaire aux comptes.

Pour établir son rapport, le CSE a la possibilité de se faire assister par un expert-comptable. Sa désignation est faite par la majorité des membres du CSE.

L’expert-comptable analyse la situation de l’entreprise et propose les solutions pour améliorer la situation économique et financière de l’entreprise. L’expert est neutre. Il n’est pas l’obligé de l’employeur.

Il faut préciser, et ce point est fondamental, que la procédure d’alerte économique reste confidentielle. Seuls l’employeur et les élus du CSE sont au courant de son déclenchement. Les représentants du personnel ne doivent donc pas avoir « d’état d’âme », mais assurer leurs responsabilités.

 

Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)

On le sait, dans les mois à venir, le chômage va se dégrader. Les entreprises seront nombreuses à licencier et à engager des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) doit obligatoirement être mis en place dans les entreprises de 50 salariés au moins lorsque le nombre de licenciements est au moins égal à 10 sur une même période de 30 jours.

Le comité social et économique (CSE) est partie prenante à la négociation de ce PSE. Son rôle sera, dans la mesure du possible, de réduire le nombre de licenciements et d’assurer des conditions de départs dignes, pour les licenciés.

Le CSE peut se faire assister d’un expert-comptable pour comprendre et analyser le contenu du PSE. L’expert-comptable vérifiera l’argumentation de l’employeur pour justifier le nombre de licenciements et proposera des conditions de départs plus favorables que celles proposées par celui-ci. L’expert également recherchera toute solution alternative aux licenciements « secs ».

Attention, la désignation de l’expert est faite par la majorité des membres du CSE, lors de la première réunion de présentation du projet de PSE par l’employeur. Une nomination ultérieure n’est plus possible.

Ces derniers mois, plusieurs PSE ont été annulés par l'Administration.

Concernant la société CONDUENT (sous- tratiant du service clients de PSA), L'Administration considère que le plan de sauvegarde de l'emploi évalué à 6,2 millions d'euros n'est pas proportionné aux moyens du groupe CONDUENT, qui dispose de fonds propres à hauteur de 1,3 milliards de dollars et d'une trésorerie de 496 millions de dollars. La DIRECCTE estime logiquement insuffisant les mesures du PSE en faveur des salariés. 

De même, le PSE de la compagnie XL AIRWAYS vient d'être annulé par le tribunal administratif, alors que celui-ci avait été homologué par l'Administration. Le tribunal estime que la DIRECCTE n'a pas correctement justifié sa décision. Il faut dire que le PSE proposé par la Direction de l'entreprise ne comprenait "quasiement rien" selon l'Avocat des salariés.

 

Les représentants du personnel vont être particulièrement sollicités dans les mois à venir. La pression tant de l’employeur que des salariés sera importante. Les élus du CSE doivent afficher une implication forte dans la situation périlleuse actuelle. Ils disposent pour cela de différents outils (BDES, documents prévisionnels, alerte économique, assistance par un expert dans le cadre d’un PSE).

 

La communication auprès des salariés sera aussi un facteur clé de réussite des actions du CSE. Les salariés doivent savoir ce que fait le CSE pour défendre leurs intérêts. Dans les faits, cette communication est parfois défaillante et donne le sentiment aux salariés que le CSE n’a rien fait. Elus du CSE, apprenez à communiquer !

Retrouvez notre article sur le site MIROIR SOCIAL : https://www.miroirsocial.com/participatif/role-economique-et-moyens-daction-du-cse-apres-le-deconfinement

Didier FORNO

Expert-comptable spécialisé dans les CSE

Publié le 06/05/2020