Quand le thermomètre grimpe, la responsabilité aussi

Chaque été, les mêmes images reviennent : des ouvriers casqués suant sur les chantiers, des cuisiniers à bout de souffle devant les fourneaux, des agents d’entretien qui n’ont pour seule climatisation qu’une fenêtre entrouverte. La chaleur, pourtant familière, n’a plus rien d’inoffensif. Elle s’installe, s’intensifie, et parfois, elle tue.

Face à cette réalité de terrain, souvent minimisée, un tournant réglementaire vient d’être pris. Le décret n° 2025-482 du 27 mai 2025, entré en vigueur le 1er juillet, redéfinit en profondeur les obligations des employeurs face au risque chaleur. Une avancée majeure pour les salariés. Et pour vous, élus du personnel, un levier de vigilance et d’action.

Canicule au travail

 

La chaleur : un risque désormais encadré

Le nouveau décret ne se contente pas d’inviter à la prudence. Il impose des mesures concrètes, applicables dès que le risque est identifié – que ce soit en intérieur ou en plein air.

Désormais, le document unique d’évaluation des risques (DUERP) doit obligatoirement intégrer la chaleur parmi les facteurs de danger. Il ne s’agit plus d’une simple recommandation : l’évaluation, l’adaptation, la prévention deviennent des obligations légales.

 

Des droits concrets pour les salariés

Ce que prévoit le décret :

  • Réaménager les conditions de travail : horaires adaptés, pauses fréquentes, organisation des tâches pour éviter les pics de chaleur.
  • Mettre à disposition de l’eau potable fraîche : minimum 3 litres par personne et par jour si l’eau courante n’est pas accessible.
  • Prévoir des équipements adaptés : vêtements respirants, protections solaires, ventilation, zones d’ombre ou de repos climatisées.
  • Informer et former les salariés sur les risques, les gestes de secours, les signes d’alerte (vertiges, maux de tête, sueurs abondantes…).
  • Tenir compte des vulnérabilités individuelles : femmes enceintes, salariés âgés, pathologies chroniques… nécessitent des mesures spécifiques.

Prévention des pics de chaleur au travail

 

Le rôle du CSE : de la parole à l’action

En tant qu’élus du CSE (comité social et économique), vous êtes en première ligne pour faire appliquer ces dispositions. Ce décret vous donne une légitimité nouvelle pour poser les bonnes questions :

  • Le DUERP a-t-il été mis à jour ?
  • Les postes les plus exposés sont-ils identifiés ?
  • Des points d’eau fraîche sont-ils disponibles et fonctionnels ?
  • Les salariés sont-ils formés à reconnaître un coup de chaleur ?
  • Existe-t-il un protocole d’alerte ou d’intervention en cas de malaise ?

Vous pouvez – et devez – interpeller l’employeur en réunion CSE, proposer des aménagements concrets, alerter l’inspection du travail si nécessaire. Car au-delà des mots, c’est la santé de vos collègues qui est en jeu.

 

Une urgence d’autant plus brûlante qu’elle est prévisible

Nous savons que les prochains mois seront chauds. Que des canicules viendront. Qu’elles toucheront d’abord les plus exposés, les plus silencieux aussi : les intérimaires, les saisonniers, les travailleurs isolés, ceux qui n’ont pas le luxe de choisir leurs horaires ou leur poste.

Le décret de mai 2025 est une avancée. Mais il ne portera ses fruits que si les acteurs de terrain s’en emparent. Vous, élus, avez ce pouvoir. Ce devoir aussi.

Canicule devoir de l'employeur

 

Pour un été plus juste et plus sûr

Prévenir les coups de chaud, c’est bien plus qu’une affaire de thermomètre. C’est une question de justice sociale, de respect, de dignité au travail.

Alors, à l’heure où le mercure grimpe, faisons baisser la pression sur les corps. Car protéger les salariés de la chaleur, ce n’est pas une option. C’est un droit. Et désormais, c’est la loi.

Didier FORNO

CEOLIS

Expert du CSE

Publié le 09/06/2025