Les différentes lois sociales votées depuis une vingtaine d’années donnent une place à la négociation collective dans l’entreprise, de plus en plus importante.

Dans ce cadre, la loyauté des négociations est fondamentale.

Par exemple, pour les négociations annuelles obligatoires (NAO), l’employeur a l’obligation de communiquer des propositions concrètes aux délégués syndicaux, d’établir un calendrier de négociation et il lui est interdit de prendre des mesures unilatérales dans les matières traitées par les négociations...

Plus récemment, la jurisprudence a reconnu une obligation de loyauté dans la négociation du protocole pré-électoral.

Globalement, l’importance de la loyauté dans le processus même de négociation va croissant au fur et à mesure que la place de l’accord collectif devient centrale. Pour autant, aucun principe général de loyauté des négociations collectives n’est inscrit dans le Code du travail…

Dans une affaire récente (Cour Administrative d’appel du 14 mars 2022), la justice vient « pratiquement » de reconnaître qu’un employeur pouvait avoir un comportement déloyal dans une négociation. Retour sur une décision qui crée la polémique…

Une RCC (rupture conventionnelle collective) est signée dans une entreprise entre l’employeur et les délégués syndicaux, le 9 décembre 2020, puis validée par l’administration.

La rupture conventionnelle collective (RCC) a été instituée par les ordonnances « Macron ». C’est un système à mi-chemin entre le plan de départs volontaires (PDV) et la rupture conventionnelle individuelle.

Ce dispositif a pour objectif de permettre aux employeurs « d’ajuster » leurs effectifs aux évolutions de l’entreprise, en passant par des ruptures amiables des contrats de travail, en dehors de toutes difficultés économiques. La RCC concerne donc les entreprises qui ne connaissent pas de difficultés particulières, mais dont la structure de l’effectif n’est pas ou plus adaptée aux besoins.

L’accord RCC doit préciser le nombre de départs envisagés, la durée de mise en œuvre, les modalités de présentation des candidatures, les modalités de rétractation, le calcul des indemnités de rupture, les modalités de suivi de l’accord et les modalités d’information du comité social et économique (CSE).

Le 21 janvier 2021, un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est présenté au CSE (comité social et économique). La négociation ayant échoué, l’employeur soumet à l’Administration un PSE unilatéral, validé par la Drieets.

Lorsqu'une entreprise d'au moins 50 salariés envisage de licencier pour motif économique plus de 10 salariés sur une période de 30 jours, elle est tenue de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) (C. trav., art. L. 1233-61). Le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) consiste en un ensemble de mesures destinées à prévenir les licenciements économiques et à accompagner les salariés qui feraient, malgré les mesures préventives du plan, l'objet d'un licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 1233-61).

L’homologation du PSE par l’Administration est contestée par deux syndicats, avec notamment un grief concernant la déloyauté de l’employeur, qui a présenté un projet de PSE, à peine un mois après l’accord de RCC.

Les syndicats reprochent à l’employeur d’avoir rédigé le PSE en même temps, si ce n’est avant, la négociation de la RCC. Ainsi, les négociations de la RCC apparaissent faussées, puisque l’employeur avait déjà finalisé son PSE.

Il y a donc clairement tromperie des salariés qui ont accepté de signer une rupture conventionnelle, alors que leur choix aurait pu être différent, s’ils avaient eu connaissance d’un futur plan de licenciement.

Démonstration imparable… sur le papier !

Cet argument n’a pas été retenu par le Tribunal Administratif qui précise : « les négociations qui ont précédé l’élaboration du PSE, dont notamment celles relatives à l’accord de RCC, n’entraient donc pas dans le champ des vérifications auxquelles l’administration devait procéder ».

Entre la « loi » et « l’esprit de la loi », le tribunal a choisi. Quand la justice est purement administrative, la décision rendue ne peut que consterner.

Didier FORNO

CEOLIS 

Assistance juridique du CSE

Publié le 09/04/2022