Les ordonnances sur la réforme du Code du travail sont enfin publiées ! Après plusieurs semaines de suspens (et de secret bien gardé), focus sur les 5 ordonnances qui entendent bouleverser le droit du travail.  

Les primes ne seront plus sanctuarisées 

L’employeur va pouvoir revoir le régime des primes des salariés (primes d’ancienneté, de nuit, ou 13e mois, par exemple). C’est la conséquence de l’inversion de la hiérarchie des lois. L’accord d’entreprise primant sur les accords de branche. Si l’employeur arrive à négocier un accord majoritaire sur ce thème, les primes pourront être remises en cause. Les salariés des petites entreprises feront-ils le poids, face aux dirigeants, pour défendre leurs acquis sociaux ? Le doute est permis.

La reconnaissance du télétravail 

Les ordonnances reconnaissent un droit au télétravail (qui concerne aujourd’hui 17 % des salariés). Ce n’est plus au salarié de demander à l’employeur de travailler chez lui, mais à l’employeur de démontrer que ce n’est pas possible. De même, une sécurisation est apportée au niveau des accidents du travail. Si un accident a lieu pendant des heures de travail au domicile, la présomption d’accident du travail s'appliquera.

Les licenciements simplifiés 

La jurisprudence actuelle est remise en cause. En cas de licenciement dans une filiale française, d’un groupe international, la situation économique et financière, qui justifie les licenciements, ne sera appréciée qu’au niveau national. Le danger est qu’un groupe qui décide de fermer un site en France vide l’entreprise de sa substance, pour justifier sa fermeture. Ce genre de manipulation est très difficile à démontrer et à contrer.

Un plafonnement des dommages et intérêts aux prud’hommes est instauré (plafonné à 20 mois de salaires pour les salariés ayant trente ans d’ancienneté).

Le délai de prescription pour contester le licenciement est réduit à un an.

Les procédures pour vices de forme ne pourront plus être invoquées par le salarié.

En contrepartie de cette évolution, les indemnités légales de licenciements sont augmentées de 25 %.

Les modalités de négociation dans l’entreprise sont modifiées 

Suivant la taille de l’entreprise, l’employeur pourra négocier directement avec les salariés, et soumettre l’accord à référendum (validé si les deux tiers des salariés l’approuvent), ou négocier avec un élu non mandaté par un syndicat.

Derrière l’argumentaire utilisé (les salariés de l’entreprise sont plus à même de négocier que les syndicats de branche), n’est-ce pas la volonté de court-circuiter les syndicats ? Un salarié d’une PME, aura-t-il le poids suffisant, pour négocier avec son patron. Le chantage à l’emploi risque de couper toute velléité de discussion.

Les ruptures conventionnelles collectives

Cette nouvelle possibilité signe « quasiment » la fin des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). En cas de difficultés économiques, une entreprise pourra négocier des départs « volontaires », dans le cadre de ruptures conventionnelles collectives. Les avantages liés au PSE (indemnités plus importantes, formations, aides diverses) disparaissent. La situation sera donc beaucoup moins favorable pour les salariés concernés.

Extension du CDD de chantier

Jusque là, uniquement utilisé dans le BTP, le contrat de chantier va être possible dans toutes les branches professionnelles. Le contrat s’arrête lorsque le chantier ou le projet est terminé. Le salarié a droit aux indemnités chômage, mais pas à la prime de précarité.

Fusion des Instances Représentatives du Personnel

La fusion des Instances Représentation du Personnel est généralisée à toutes les entreprises (elle ne concernait jusqu’à maintenant obligatoirement que les structures jusqu’à 300 salariés). Cette nouvelle instance prend le nom de Comité Social et Economique (CSE). Cette instance concentre les rôles du Comité d’entreprise (CE), des délégués du personnel et du CHSCT. Le CSE, comme le CE, sera consulté sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière et la politique sociale de l’entreprise. Ce CSE disposera d’un droit d’alerte (économique, atteinte aux personnes, danger grave et imminent).

Tout comme le CE, le CSE bénéficiera d’un budget de fonctionnement et d’un budget des œuvres sociales, mais avec la possibilité de transférer l’excédent annuel d’un budget sur l’autre. Le risque, surtout dans les petites entreprises, est que les élus basculent tout le budget de fonctionnement sur les œuvres sociales. Dans ce cas, le CSE n’aura plus les moyens de recourir à un Avocat ou à un Expert, pour défendre les salariés.

Le CHSCT disparaît et est remplacé par une commission santé, sécurité et conditions de travail, dans les entreprises de plus de 300 salariés. En dessous de ce seuil d’effectif, c’est le CSE qui sera chargé de traiter les questions santé et sécurité. Cette évolution est surprenante, alors même que l’on à jamais autant parlé de conditions de travail et de burn-out. A priori, dans les PME, la santé au travail sera reléguée au second plan.

Le CSE va réduire le nombre d’élus du personnel et le nombre d’heures de délégation. Difficile d’exercer son rôle dans ces conditions !

Les suppléants n’assisteront plus aux réunions du CSE. Donc, dans le cas du remplacement d’un titulaire par un suppléant, celui-ci n’aura aucune idée des sujets débattus au CSE. Pratique pour remplacer un titulaire…

Autre nouveauté, en cas de déclenchement du droit d’alerte par le CSE, celui-ci devra contribuer à hauteur de 20 % au coût de l’expertise. Le droit d’alerte du CSE a un rôle préventif : c’est tirer la sonnette d’alarme en cas d’apparition de difficultés. Les élus sont souvent les mieux placés, pour détecter les signes de détérioration économique de l’entreprise. Le fait de mettre à la charge du CSE, une partie de l’expertise, risque d’insister les élus à ne rien faire. Tout l’intérêt du droit d’alerte s’en trouve perdu.

Que peut-on attendre, au final, de cette réforme du Code du travail ?

Après la loi EL KHOMRI, c’est une nouvelle réforme du droit social, motivée, par un argument : «la libération » du travail. Le problème, c’est que depuis 40 ans, à chaque nouvelle réforme, on nous fait croire, que cette fois, le chômage va baisser. Or, depuis 40 ans, la France vit avec un chômage de masse. Il faut rappeler que le taux de chômage structurel en France (c’est-à-dire le taux incompressible) est estimé à 8,5 % par les économistes. On peut donc, une fois de plus, douter de l’impact sur l’emploi, de telles mesures.

Petite anecdote croustillante… Au moment même où les ordonnances étaient publiées, on apprenait que sur le 1er semestre 2017, les entreprises du CAC 40 avaient accumulé autant de bénéfices que sur l’ensemble de l’année 2013 et presque autant qu’en 2015 : 50,241 milliards d’euros, soit une hausse de 23,6 % sur un an. Preuve, que le coût du travail et les rigidités du Code du travail n’empêchent pas les entreprises de réaliser d’excellentes performances…

CEOLIS, formation des comités d'entreprise

Didier FORNO

Publié le 04/09/2017