Le non repect de l'obligation de mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi entraîne des conséquences graves. Les élus doivent donc être particulièrement attentifs, quand de nombreux départs de salariés sont constatés dans l'entreprise (rupture conventionnelle, démission, etc.).

Rôle du CSE dans la cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE)

 

La procédure d’information consultation du CSE, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) s’inscrit dans le double cadre juridique du Droit du licenciement économique et de celui des attributions économiques et professionnelles du CSE.

Lorsqu'une entreprise d'au moins 50 salariés envisage de licencier pour motif économique plus de 10 salariés sur une période de 30 jours, elle est tenue de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) (C. trav., art. L. 1233-61).Le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) consiste en un ensemble de mesures destinées à prévenir les licenciements économiques et à accompagner les salariés qui feraient, malgré les mesures préventives du plan, l'objet d'un licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 1233-61).

On le sait peu, mais le premier objectif du droit du licenciement économique est d’éviter que des licenciements soient prononcés (mais pas à n’importe quel prix pour les salariés) ; et ensuite, d’encadrer les licenciements que l’employeur ne pourrait éviter de prononcer.

Les procédures d’information-consultation du CSE sur les projets de l’entreprise constituent un des outils qui permettent aux élus d’assumer leur mission de défense des intérêts des salariés qu’ils représentent.

Définition du licenciement pour motif économique :

Article L 1233-3 du Code du travail :

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Ces dispositions sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants. »

Observations : Depuis l'ordonnance no 2017-1387 du 22 septembre 2017, dans les entreprises qui font partie d'un groupe, les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national. En cela, l'ordonnance contrecarre la solution retenue par la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle les difficultés économiques doivent être appréciées au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, sans se limiter aux entreprises situées sur le territoire national (Cass. soc., 12 juin 2001, no 99-41.839). Par exception, cette jurisprudence retrouverait à s'appliquer en cas de fraude.

Obligation d'adaptation et de reclassement de l'employeur :

Avant de procéder à des licenciements, l'employeur doit étudier toutes les possibilités d'adaptation et de reclassement.

Article L1233-4 :

«Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure ».

Obligations de l'employeur : 

L’employeur a des obligations à l’égard des salariés impactés et à l’égard des Institutions Représentatives du Personnel.

1° Obligations à l'égard des salariés impactés :

  • Avoir un motif économique de licenciement admis par le Droit du travail français (Art. L1233-2) : cause réelle et sérieuse,
  • Tout faire pour reclasser en interne, ou dans le groupe, le ou les salarié(s) visé(s) par l’ordre des licenciements, avant de notifier des licenciements (Art. L1233-4),
  • Appliquer les règles relatives à l’ordre des licenciements (Art. L1233-5),
  • Dans les cas de licenciements importants – 10 salariés et plus sur une période de 30 jours – élaborer un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour accompagner la mise en œuvre de ses projets et en limiter les conséquences sur les emplois (Art. L1233-61 et suivants).

2° Obligations à l'égard des IRP (instances représentatives du personnel) :

  • Informer et consulter les IRP sur l’ensemble de ses projets avant de les mettre en œuvre,
  • Selon des procédures différentes selon que le nombre de licenciements envisagés est inférieur ou supérieur à 10 (Art. L1233-8 et L1233-21 et suivants).

3° Les procédures d'information-consultation :

L’employeur a obligation d’informer et de consulter le CSE sur les projets « de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail. »

En conséquence, dans le domaine de compétence du CSE, l’employeur ne peut pas mettre en œuvre ses projets tant qu’il n’a pas recueilli l’avis des élus.
Pour se forger cet avis, les élus doivent disposer de toutes les informations qu’ils estiment nécessaires.
Depuis la loi LSE, le délai accordé au CSE pour rendre son avis est défini en fonction de l’ampleur du nombre de licenciements envisagés et varie, au minimum, de deux mois (moins de 100 licenciements) à quatre mois (plus de 250 licenciements).

Attention : en l’absence d’avis dans ces délais, le CSE est réputé avoir été consulté ! (Art. L1233-30)

Par ailleurs, l’employeur est tenu d’apporter une réponse motivée à toutes questions, observations, suggestions du CSE pour améliorer les projets (Art. L1233-33).

 

Le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est établi :

- soit par un accord collectif majoritaire, c'est-à-dire signé par une ou plusieurs organisations représentatives, 

- soit par un document unilatéral élaboré par l'employeur et homologué par le Direccte (C. trav., art. L. 1233-24-4),

- soit par un accord majoritaire partiel (majorité spécifique comme indiquée ci-dessus) portant au minimum sur le PSE, complété par un document unilatéral.

 

Le PSE a pour objet d'éviter les licenciements ou d'en limiter le nombre. Mesures à prévoir dans le PSE (liste non exhaustive) : 

- des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national,

- des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements,

- des créations d'activités nouvelles par l'entreprise,

- des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise,

- des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés,

- des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion,

- des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail.

 

Dans le PSE, l'employeur doit prévoir des mesures d'accompagnement des salariés licenciés :

- l'aide à la mobilité géographique,

- la convention d'allocation temporaire dégressive,

- la convention de coopération pour la mise en œuvre des cellules de reclassement,

- aide à la création d'entreprise, l'entreprise,

-  dispositions tendant à favoriser la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine.

- le congé de conversion du FNE permet aux salariés licenciés pour motif économique de bénéficier d'actions destinées à favoriser leur reclassement. 

 

L'enjeu pour les élus du personnel sera de négocier des mesures d'accompagnement au départ des salariés plus favorables, que celles proposées par l'employeur :

- augmenter le montant des indemnités de licenciement,

- attribuer une prime « spéciale » d'aide aux départs volontaires,

- faciliter la mobilité géographique (prime de déménagement ou de réinstallation, etc.) ;

- financer des cabinets de reclassement externe (« outplacement »),

- permettre la réalisation de bilan de compétences,

- participer à d'éventuels frais de formation.

Le PSE doit également prévoir des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés (C. trav., art. L. 1233-62, 5o).

Dans le cadre d'une réorganisation, l'employeur a des obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il doit donc intégrer dans le PSE, les mesures envisagées contre les risques psychosociaux.

Le PSE est un document écrit remis aux membres du comité social et économique afin que ces derniers disposent des informations nécessaires. Ce PSE va faire l'objet d'une information / consultation du CSE. Les élus devront mener des investigations compendre les raisons et l'origine de ces licenciements, vérifier la conformité de la loi, défendre les intérêts des salariés et obtenir de l'employeur des engagements pour favorables que la loi.

Un PSE est complexe. Il fait intervenir des notions juridiques, économiques et sociales. Les enjeux sont très souvent conséquents. Les élus ont donc tout intérêt à se faire assister d'un expert-comptable, comme le prévoit la loi.

Cet expert doit être nommé lors de la première réunion de présentation du PSE. Le coût de l'expertise est à la charge de l'employeur. 

L'intervention de l'expert-comptable en cas de licenciement économique consiste principalement à analyser les raisons et la pertinence de la mesure envisagée, à en apprécier les conséquences financières, économiques et sociales.

L'expert-comptable apprécie la réalité de la situation invoquée par l’employeur ainsi que le sérieux et l'aptitude des mesures envisagées à assurer le rétablissement ou la sauvegarde de la situation dans des délais compatibles avec l'état actuel de l'entreprise.

L'expression de son avis sur le projet peut le conduire à attirer l'attention sur des mesures indispensables, qu'il estimerait avoir été négligées.

L'expert-comptable procède à un examen aussi objectif que possible, à l'époque où il est nommé, de la situation de l'entreprise et, selon les cas, du secteur d’activité du groupe sur le territoire national auquel l’entreprise appartient, du projet présenté et des moyens de rétablir la situation.

Ses analyses contribueront à éclairer le comité social et économique dans la formulation d’éventuelles propositions.

 
Procédure de nomination d’un expert-comptable par le CSE :
 
  • inscription à l’ordre du jour (impérativement au cours de la réunion ou l’employeur informe le comité d’un projet de licenciement économique) du PSE :"nomination de l’expert-comptable pour l’examen du plan de licenciements collectif conformément à l'articles L 1233-30.
  • délibération du PSE :le comité social et économique décide de se faire assister par le cabinet CEOLIS pour l’examen de la situation de l’entreprise et du plan de licenciements collectif, annoncé par la Direction".

 

 

Le plan de sauvegarde de l'emploi doit être mise en place dès lors que l'employeur envisage au moins dix licenciements sur une même période de 30 jours. C'est le nombre de ruptures envisagées pour un motif économique qui doit être pris en compte pour apprécier la nécessité de la mise en place d"un PSE.

Le législateur exclut des calculs les ruptures conventionnelles individuelles et les ruptures d'un commun accord intervenant dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et comptétences (GPEC) ou de ruptures conventionnelles collectives.

Au delà de la période des 30 jours consécutifs, le Code du travail a fixé deux autres périodes d'appréciation, afin d'éviter que des employeurs contournent la mise en place d'un PSE :

     - ainsi, si un employeur procède pendant trois mois consécutifs, à des licenciements de plus de dix salariés au total sans atteindre dix salariés au cours d’une même période de 30 jours, tout nouveau licenciement économique envisagé dans les trois mois suivants est soumis aux règles de procédures spécifiques aux licenciements collectifs de dix salariés et plus (C. trav., art. L. 1233-26) ;

     - de surcroît, si un employeur a procédé, au cours d’une même année civile, à des licenciements pour motif économique de plus de 18 salariés au total, sans que le seuil des dix licenciements sur 30 jours n’ait été atteint, tout nouveau licenciement économique envisagé au cours des trois premiers mois de l’année civile suivante est soumis aux règles de procédures spécifiques aux licenciements collectifs de dix salariés et plus (C. trav., art. L. 1233-27).

 

C'est un sujet relativement nouveau dans les PSE et donc, en général, mal traité par l'employeur.

Bien que l’obligation de prévention des risques psychosociaux liés à la réorganisation n’apparaisse pas dans les points de contrôle visés par les articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du Code du travail, le tribunal des conflits a rattaché celle-ci au contrôle de la régularité de la consultation du comité social et économique.

 

La consultation du comité social et économique sur les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail est donc incontournable. Le PSE doit donc traiter cette question. 

Il doit détailler les mesures envisagées : 

     - des actions de prévention des risques professionnels ;

     - des actions d’information et de formation ;

     - la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur doit : 

     - Identifier et évaluer les risques en matière de santé et de sécurité, qui sont liés à la restructuration engagée. Sur ce point, l’entreprise a tout intérêt à actualiser son document unique d’évaluation des risques professionnels (C. trav., art. L. 4121-3-1), étant rappelé que la mise à jour du DUERP doit être réalisée à chaque fois qu’intervient une décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. R. 4121-2) ;

     - Définir un plan de prévention qui identifiera les actions mises en place et à mettre en place pour prévenir ou limiter les risques identifiés.

 

 

Quand le co-emploi peut-il être reconnu ?

On parle de "co-employeur", quand une société est sous la domination d'une autre société du groupe.

La jurisprudence précise sur le sujet : 

« Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière ». 

Dans le cas d'une reconnaissance d’une telle situation, la condamnation in solidum de la société mère du groupe, en tant que co-employeur est possible.