Le référendum d’initiative syndicale

Depuis l'entrée en vigueur des ordonnances Macron, la mise en œuvre de la négociation en présence de délégués syndicaux suppose le respect du principe majoritaire, c'est-à-dire un accord soumis aux conditions de validité décrites à l'article L. 2232-12 du Code du travail.

L'accord doit être signé d'une part par l'employeur ou son représentant et, d'autre part, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique (CSE), quel que soit le nombre de votants.

Dans le cas ou une négociation employeur/syndicat(s) majoritaire(s) n’aboutit pas, il est toutefois possible de signer un accord avec des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, mais sans atteindre le seuil de 50 %.

Ces organisations disposent d'un délai d'un mois à compter de la signature de l'accord pour indiquer qu'elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l'accord.

L'accord sera valide s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.

Un référendum pour valider les NAO

Dans une entreprise de Saint-Nazaire, les négociations annuelles obligatoires (NAO) sont bloquées. L’employeur et le syndicat majoritaire (63 % des voix aux dernières élections professionnelles) n’arrivent pas à un accord, sur les augmentations de salaire.

Un syndicat minoritaire (37 % des voix aux dernières élections professionnelles) demande à la Direction d’organiser un référendum, pour faire valider les propositions d’augmentation de l’employeur. Les salariés valident à 55 % les propositions.

La destruction du pouvoir des syndicats et la mise au grand jour de la mésentente des élus du personnel

Cette situation, jusqu’à ce jour inédite, a deux conséquences catastrophiques :

  • L’étalage public de la mésentente des élus du personnel. Les élus doivent toujours régler leurs déférents en coulisse et présenter un front uni face à l’employeur. On imagine sans peine qu’à cette heure, le seul gagnant de cette confrontation est l’employeur…
  • Les syndicats ont toujours eu la main sur les NAO. La mise en œuvre d’un référendum détruit ce pouvoir de négociation. Le syndicat (actuellement) minoritaire risque lui-même, à l’avenir, d’être la victime de son propre stratagème !

Enfin, la situation dans cette entreprise soulève un problème général de démocratie. 63% des salariés avaient donné leur confiance au syndicat majoritaire… pour le mettre ensuite en minorité. Imagine-t-on une situation identique, après l’élection du Président de la République ?

Le dernier référendum « politique » sur la constitution européenne remonte à 2005. Nos dirigeants sont très réticents à organiser ce type de consultation, ou en général, les électeurs ne répondent pas à la question posée ! Il en est de même dans les entreprises, avec en plus, les pressions possibles de l’employeur pour influencer le vote.

Remise du pouvoir de décision à des salariés qui n’ont ni les outils ni les compétences

Dans le cadre des NAO, les élus du personnel ont accès à la BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales). Celle-ci contient de nombreuses informations économiques, comptables, sociales et juridiques de l’entreprise. Ils peuvent donc porter un jugement sur la situation financière de l’entreprise et en déduire les marges de manœuvre salariales. Ils disposent du savoir (formation économique) et des outils permettant d’engager un dialogue social équilibré.

Être élus du personnel, c’est un métier !

Qu’en est-il des salariés ?

Ils n’ont souvent qu’une vague connaissance économique, sociale et financière de l’entreprise et aucune formation pour se positionner, en prenant de la hauteur. Ils vont donc, en général, dans le cadre d’un référendum, se positionner par rapport à leur seule situation sociale personnelle.

Avec comme conséquence le passage d’une société solidaire à une société individualiste

Et nous arrivons à la principale faillite de cette affaire, l’individualisme. L’intérêt commun n’existant plus. Chacun pour soi !

En matière de négociation d’entreprise, l’union fait la force. Dans cette entreprise, tous les salariés sont ou seront perdants.

À n’en pas douter, l’employeur se réjouit vraisemblablement de cette « farce » dont il n’est pas l’initiateur.

CEOLIS

Expert-comptable spécialisé dans les CSE

Publié le 08/12/2021