Un rappel essentiel pour les employeurs : les critères d’évaluation doivent être objectifs, précis et directement liés à l’activité professionnelle.
Le 15 octobre 2025, la Cour de cassation (Chambre sociale, n° 22-20.716) a confirmé l’illicéité d’un dispositif d’évaluation reposant sur des critères comportementaux tels que « l’optimisme », « l’honnêteté » et « le bon sens ».
Une décision qui rappelle les limites du pouvoir d’évaluation de l’employeur et la nécessité d’utiliser des critères véritablement professionnels et mesurables.

Les faits : un dispositif fondé sur des critères « comportementaux »
Dans le cadre de ses entretiens annuels de développement, une entreprise avait mis en place un outil d’évaluation des salariés comportant une partie dédiée aux « compétences comportementales ».
Parmi les items figuraient :
- Ambition,
- Engagement, avec la sous-catégorie « faire preuve d’optimisme »,
- Simplicité, comprenant « agir avec honnêteté » et « faire preuve de bon sens ».
Un syndicat a contesté la légalité de ce dispositif, estimant que ces critères étaient trop subjectifs et déconnectés du travail réel. La Cour d’appel de Rennes lui a donné raison.
L’entreprise a alors formé un pourvoi, soutenant que ces critères reflétaient des qualités utiles à la vie professionnelle (adaptation, intégration, potentiel d’évolution).
La décision de la Cour de cassation
La Haute juridiction rejette le pourvoi et confirme que le dispositif est illicite dans son ensemble.
Elle rappelle le principe suivant, issu des articles L. 1121-1, L. 1222-2 et L. 1222-3 du Code du travail :
« La méthode d’évaluation des salariés doit reposer sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie. »

Or, selon la Cour :
- Les notions d’optimisme, d’honnêteté et de bon sens présentent une connotation morale, empiétant sur la sphère personnelle du salarié.
- Elles sont trop vagues pour établir un lien direct avec l’activité professionnelle.
- Elles ouvrent la voie à une appréciation subjective de l’évaluateur.
Résultat : l’ensemble du dispositif d’évaluation est interdit d’utilisation, y compris les volets non directement contestés, car ils ne pouvaient être dissociés.
Ce qu’il faut retenir
Cette décision s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante :
les critères comportementaux ne sont admissibles que s’ils sont objectivement vérifiables et directement liés aux aptitudes professionnelles.
Critères jugés illicites :
- « Agir avec courage » (CA Toulouse, 2011)
- « Devenir demain plus que ce que nous sommes aujourd’hui » (CA Paris, 2020)
- « Optimisme », « honnêteté », « bon sens » (Cass. soc., 2025)
Critères admis :
- L’ouverture vers l’extérieur
- La capacité à fédérer
- La clairvoyance
- L’imagination
- L’expertise (CA Versailles, 2012)

En pratique : comment sécuriser vos entretiens d’évaluation
Pour éviter tout risque juridique, les employeurs doivent veiller à ce que leurs dispositifs d’évaluation :
- S’appuient sur des indicateurs mesurables et vérifiables (résultats, compétences techniques, objectifs atteints, etc.) ;
- Excluent toute référence à des valeurs morales ou traits de personnalité ;
- Soient clairement communiqués aux salariés et cohérents avec la finalité professionnelle de l’entretien.
À retenir
Évaluer un salarié, ce n’est pas juger sa personnalité : seules ses compétences professionnelles doivent être mesurées.
Didier FORNO
Assistance juridique du CSE
CEOLIS
Publié le 29/10/2025