L’intelligence artificielle (IA) s’impose progressivement dans les entreprises, au travers d’outils d’aide à la décision, d’automatisation de tâches, ou encore d’algorithmes utilisés dans les processus RH. Face à cette transformation, le CSE (comité social et économique) ne peut pas rester spectateur : il a un rôle à jouer pour encadrer, anticiper et accompagner les impacts de l’IA sur les salariés.
Voici les leviers d’action concrets dont disposent les élus du personnel.
Exiger la transparence sur les projets IA
L’IA est parfois introduite discrètement : un logiciel d’analyse des performances, un tri automatisé des CV, un chatbot RH, une IA générative pour rédiger des rapports… Ces outils ont un impact direct ou indirect sur le travail et les conditions d’emploi.

Le CSE peut et doit demander à être informé :
- Quels outils sont déjà utilisés ou en cours de déploiement ?
- Quelles données sont traitées ?
- Les salariés sont-ils informés ? formés ?
- Y a-t-il une supervision humaine ?
Cette transparence est un droit, garanti par le Code du travail et par le RGPD.
Se faire consulter avant tout déploiement impactant
Lorsque l’IA modifie l’organisation du travail, le contenu des missions ou les méthodes d’évaluation, la consultation du CSE est obligatoire.
Articles L2312-8 et suivants du Code du travail
Le CSE est consulté sur l’introduction de nouvelles technologies susceptibles d’avoir un impact sur :
- L’emploi,
- Les conditions de travail,
- La formation,
- La santé ou la sécurité des salariés.
Le CSE peut alors se faire assister par un expert (expert-comptable ou expert habilité en santé/sécurité/technologies) pour analyser :
- La fiabilité de l’outil,
- Les risques de biais,
- Les conséquences humaines et sociales.
Veiller à la protection des données et aux libertés individuelles
Certaines IA traitent des données sensibles, voire personnelles : comportement, performance, géolocalisation, temps d’écran, biométrie…
Le CSE a un rôle de vigie :
- S’assurer du respect du RGPD,
- Exiger une analyse d’impact (AIPD),
- Alerter la direction ou la CNIL en cas d’abus,
- Refuser l’automatisation de décisions sans contrôle humain.
Une IA mal encadrée peut nuire à la vie privée, introduire des biais discriminants, ou créer une forme de surveillance excessive.

Anticiper les effets sur l’emploi et les compétences
L’IA ne supprime pas forcément des emplois, mais elle transforme fortement les compétences attendues. Le CSE doit :
- Demander une cartographie des métiers et compétences impactés,
- Veiller à ce que le plan de développement des compétences prenne en compte l’IA,
- S’assurer que personne n’est laissé de côté (en particulier les salariés peu qualifiés ou proches de la retraite),
- Promouvoir les reconversions internes et la formation continue.
La montée en compétence sur les outils IA doit bénéficier à tous les niveaux de l’entreprise, y compris les élus eux-mêmes.
Proposer une charte d’usage de l’IA dans l’entreprise
Le CSE peut initier ou co-construire une charte d’usage de l’IA, avec la direction. Cette charte fixe :
- Des principes de transparence, de supervision humaine et d’éthique,
- Des règles sur la collecte et l’utilisation des données,
- Des garanties sur le respect des droits des salariés,
- Un cadre d’évaluation et de révision des outils.
Elle peut aussi s’accompagner d’une charte interne propre au CSE, encadrant les usages d’IA par les élus dans leurs missions (rédaction assistée, outils de veille, analyse de données…).
Conclusion : une nouvelle responsabilité pour les élus du personnel
L’intelligence artificielle n’est pas neutre. Elle bouleverse les équilibres dans l’entreprise et interroge la place de l’humain dans le travail. En tant que représentants du personnel, les élus du CSE doivent :
- Se former,
- Surveiller,
- Agir,
- Et anticiper.
C’est à cette condition que l’IA pourra devenir une opportunité sociale, et non une menace silencieuse.
Didier FORNO
Expert-comptable spécialisé dans les CSE
CEOLIS
Publié le 05/08/2025