Il semble que depuis la crise sanitaire de la Covid-19, une véritable épidémie de « fatigue au travail » touche une grande partie des salariés français. Cette impression est confirmée par plusieurs études. La fatigue arrive en tête des termes utilisés pour décrire l’état des personnes interrogées, par les instituts de sondages.

Etat passager lié à la pandémie ? Fatigue plus profonde liée au changement du monde du travail ? La réponse a ces questions est importante, car la fatigue au travail a des conséquences importantes pour les entreprises… et les salariés !

L’impact de la pandémie de la Covid-19 sur cette situation, mais pas seulement !

L’état de fatigue des Français pour ne pas dire l’épuisement trouve sans doute sa source, en partie, dans la période difficile que nous venons de traverser. Entre confinements, isolements, couvre-feux et diverses restrictions, les Français ont été confrontés à une situation inédite, génératrice d’incertitude et donc de stress, voire, d’angoisses. Le mental a été soumis à rude épreuve. Pas facile de s’en remettre, d’autant que nombre de certitudes et de repères sont tombés !

La tendance à la hausse de l’absentéisme ces dernières années et même son accélération, ne sont pas une surprise, dans un monde du travail en pleine transformation.

Comme chaque année, WTW réalise son étude sur la thématique de l’absentéisme dans le secteur privé : le taux d’absentéisme s’élevait à 4,6% en 2021 (soit + 37% depuis 2017) avec une durée moyenne d’arrêt de 54 jours par an.

 

Les conséquences de la fatigue au travail

Un salarié fatigué est moins performant, c’est une évidence. Le risque d’erreur est accru. Les conflits avec les autres salariés plus nombreux. La démotivation augmente et, bien sûr, cet état se traduit par dans le taux d’absentéisme.

Les enjeux sont donc nombreux et le coût financier pour l’entreprise important : le coût moyen annuel de l’absentéisme au travail en France est estimé à 25 milliards d’euros, soit environ 3 500 euros annuels par salarié ou environ 7% de la masse salariale.

L’employeur doit donc s’approprier le sujet, d’autant qu’il doit assurer la sécurité et préserver la santé physique et mentale des salariés.

 

La fatigue au travail : c’est quoi ?

La fatigue est le résultat d’une sollicitation excessive de l’organisme qui ne peut être maintenue. Cet état au travail peut être de différentes natures.

La fatigue physique

Pendant la pandémie, une partie des salariés a été sur sollicitée, pour palier aux absents et/ou pour faire face à une surcharge de travail. On pense ici, au personnel de santé, salariés travaillant de longues heures sans pause, dans un contexte critique, en exposant leurs vies.

La fatigue mentale

Le monde du travail a été bouleversé par la pandémie. La généralisation des outils numériques a changé la façon de travailler. Les salariés passent plus de temps devant les écrans. La notion d’urgence est constante, générant une pression permanente, exigeant une action immédiate dans le travail.

De plus, par peur de perdre leur travail ou par engagement, pendant la pandémie, de nombreux salariés ont tout donné à l’entreprise, sans faire attention à leur santé.

Le recours « massif » à la visioconférence n’a pas arrangé la situation ! Le salarié se retrouve isolé chez lui, face à de nombreux visages simultanément et confronté à sa propre image sur l’écran. L’effort de concentration est décuplé, demandant une mobilisation importante d’énergie.

Quant au télétravail, de nombreuses études ont pointé les effets néfastes de cette forme de travail, qui peut paraître sympathique au premier regard… Le principal problème du télétravailleur est de « sortir » du travail et de réussir à séparer vie privée et vie professionnelle. Le télétravailleur est souvent vite confronté à une surcharge de travail, génératrice de saturation mentale et donc de fatigue.

La fatigue émotionnelle

La pandémie a mis à rude épreuve les nerfs. Confrontés à la maladie, à la mort de proches, de collègues, nombre de salariés ont été dépassés par leurs émotions.

La perte de sens du travail

A quoi sert mon travail ? En pleine crise sanitaire, de nombreux salariés se sont posée cette question. Confrontés à la détresse humaine, menacés par ce virus insaisissable, comment donner un sens à son travail ?

Dans un monde où seule la performance compte, et/ou la reconnaissance a pratiquement disparu, l’épuisement au travail, avec sa résultante, le burn-out, peut frapper tout salarié.

La fatigue au travail peut également être le résultat d’un travail ennuyeux, monotone ou répétitif.

La « réunionite aiguë » sans prise de décision n’arrange pas la situation ! La réunionite décrit un phénomène coûteux, et malheureusement répandu, qui consiste à passer trop de temps dans des réunions improductives. Les recherches montrent que les dirigeants sont particulièrement touchés par la réunionite. Une culture de réunion improductive a de graves conséquences : elle réduit la vitesse de prise de décision, affecte négativement le bien-être au travail et entraîne finalement des coûts énormes.

L’OMS parle de « fatigue pandémique ». Fatigue qui s’explique par l’absence de perspectives claires et des questions profondes sur le sens de la vie. Ce n’est pas un hasard si dans de nombreux pays, on assiste à des mouvements massifs de démissions.

 

Fatigue au travail : rôle de l’employeur

L’employeur a l’obligation d’assurer la santé et la sécurité des salariés. Il a une obligation de résultat qui découle de l’article 4121-1 du Code du travail : « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

Ce dernier est donc tenu d’informer et de former le personnel.

Il doit aussi mettre en place des actions concrètes pour préserver la santé mentale du salarié au travail. De ce fait, l’employeur a pour obligation d’éviter tous les facteurs de stress. Il doit veiller à la charge de travail de chacun.

D’autres aménagements peuvent être mis en place pour maintenir le bien-être des salariés, tels que :

  • L’encadrement de l’utilisation des outils informatiques, en particulier en cas de télétravail,
  • L’installation de systèmes qui permettent de différer l’envoi des emails en dehors des horaires de travail,
  • Rappeler au personnel que les urgences doivent être traitées par téléphone et non par e-mail (car générateur de stress),
  • Contrôler le temps de travail via notamment un système de pointeuses,
  • Eviter les postes qui isolent les collaborateurs et les mettent dans des situations de stress,
  • Faciliter les pauses collectives et les moments de convivialité pour que les collaborateurs ne se sentent pas isolés au travail.

 

Fatigue au travail : rôle du CSE

Le CSE des entreprises de plus de 50 salariés dispose de prérogatives spécifiques dans les domaines de la santé, de la sécurité et des conditions de travail. Il est donc directement concerné par l’état de fatigue des salariés.

À ce titre, il peut :

  • Procéder à l'analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs,
  • Susciter toute initiative qu'il estime en matière de lutte contre la fatigue des salariés.

 

Redonner du sens au travail

L’employeur et les managers doivent redéfinir l’entreprise et son fonctionnement. Ils doivent agir sur les valeurs fondamentales de l’entreprise et sur la raison d’être de l’entreprise. Quelques questions basiques, mais essentielles doivent être posées : pourquoi travailler dans cette entreprise ? Qu’apporte-t-elle ? Ses objectifs sont-ils en adéquation avec ceux des salariés ?

Aller vers une « nouvelle » entreprise, vers l’entreprise du XXIe siècle. Telle est la feuille de route que chaque employeur devrait se fixer. Quelques thématiques fortes comme le sociétal et l’environnemental peuvent fédérer les salariés autour d’un projet commun et motivant.

Le « traitement » de la fatigue est possible. Il faut s’en donner les moyens !

Didier FORNO

Assistance du CSE

CEOLIS

Publié le 29/03/2023