Lors de la présentation des ordonnances Macron en 2017, portant réforme des instances représentatives du personnel, les débats ont été houleux. Salariés et élus du personnel estimant qu’ils seraient les principales victimes de la mise en place du CSE (Comité social et économique).

Beaucoup estimaient que ces ordonnances avaient été rédigées sous la plume du MEDEF et ne visaient qu’à affaiblir les instances représentatives du personnel.

Quelles sont les premières conclusions, sur la mise en œuvre de cette réforme, un peu plus de 4 ans après sa mise en application ?

Le Comité d’évaluation des ordonnances Macron (oui, ça existe !) vient de publier un rapport d’étape et dresse un bilan provisoire sur l’application des dites ordonnances. Constitué de personnes « qualifiées », il est placé sous la coupe du Premier ministre.

On peut s’interroger sur l’utilité de ce genre de commissions, qui font certes, des propositions, mais rarement mises en œuvre par les politiques…

"Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission", disait Clemenceau. En 1963, le général de Gaulle jugeait que l'essentiel "ce n'est pas ce que pensent le comité Gustave, le comité Théodule ou le comité Hippolyte", mais ce qui est "utile au peuple français".

Une « réforme », vraiment ?

Premier constat de la commission : « l’absence de révolution culturelle évidente dans les pratiques du dialogue social ». Traduction dans un langage moins édulcoré : la réforme n’a strictement rien changé ! Beaucoup d’argent dépensé par les entreprises, beaucoup d’énergie consommée par les dirigeants et les salariés, pour un résultat insignifiant…

La question de la santé et sécurité au travail largement réduite

Contrairement au CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) obligatoire dans les entreprises ou établissements de plus de 50 salariés, la CSSCT (commission santé, sécurité et conditions de travail) qu’il l’a remplacé, n’est obligatoire que dans les entreprises de plus de 300 salariés.

Logiquement, un grand nombre de salariés ne sont plus couverts par cette commission. 75 % des salariés étaient couverts par un CHSCT en 2017 contre 46 % aujourd’hui par une CSSCT. Difficilement compréhensible, quand on sait que les questions de santé (burn-out, TMS) sont des sujets très préoccupants dans les entreprises.

Sur le terrain, on constate que les questions santé et sécurité au travail sont reléguées en fin de réunion CSE.

Mais peut-être que l’objectif de la réforme était de supprimer les expertises santé et conditions de travail, mandatées par les CHSCT ? Là, l’objectif est parfaitement atteint !

Ce sujet est devenu le parent pauvre du dialogue social.

Le barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse

Les plafonds d’indemnisation sont respectés dans 90 % des cas, ce qui permet aux employeurs de licencier à moindre coût.

Une rationalisation du dialogue social ?

Selon la commission d’évaluation, le passage du CE (comité d’entreprise) au CSE a permis de limiter le nombre de réunions des instances représentatives du personnel et d’ajouter… que cette situation peut avoir pour conséquence d’allonger l’ordre du jour et la durée des réunions !

Des difficultés importantes pour les élus du personnel

La commission d’évaluation pointe de nombreuses difficultés de la réforme.

Difficultés pour les élus du personnel de traiter les questions relatives aux réclamations individuelles et collectives et aux conditions de travail, faute de représentants sur le terrain. La réforme a éloigné les élus des salariés. La commission note « une perte de contact entre élus et salariés ».

La commission constate également que « l’élargissement et la concentration sur le CSE d’un champ très vaste de sujets à aborder ne créent pas mécaniquement une meilleure articulation des enjeux stratégiques, économiques et sociaux, et peuvent constituer un élément de fragilisation de l’engagement des élus ».

Que faudrait-il modifier dans les ordonnances Macron ?

Il apparait d’abord évident que les heures de délégation dans de nombreuses entreprises sont insuffisantes, avec la centralisation de nombreux sujets sur le CSE. L’absence des élus suppléants aux réunions est une aberration. Il faudrait rétablir leur présence obligatoire. Enfin, il faudrait rendre obligatoire la désignation de représentants de proximité, pour reprendre contact avec les salariés sur le terrain.

Que faut-il attendre de ce rapport d’étape ?

Pas grand-chose, malheureusement ! Ce type de rapport sert, en général, uniquement de « caution » morale à l’exécutif pour faire croire qu’il est à l’écoute. Et cela ne date pas d’hier !

Souvenez-vous des propositions de la convention citoyenne sur le climat qui devaient être « intégralement appliquées » ! Souvenez-vous de la consultation citoyenne suite au mouvement des gilets jaunes qui devaient changer la France ! Des engagements bien vite enterrés !

Rappelons la célèbre déclaration de Jacques CHIRAC, en son temps : « les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ».

Les demandes des syndicats de salariés, après la publication du rapport

Le mécontentement des centrales syndicales est général.

La CGT appelle le gouvernement à revoir les ordonnances Macron. Le syndicat demande la mise en place de la commission CSSCT dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés.

La CFE-CGC appelle le gouvernement à abroger les ordonnances Macron « maintenant que tout le monde est un peu près d’accord pour dire qu’elles ont été nocives pour le dialogue social, inefficaces pour l’économie et accélératrices de précarité sociale.

La CFDT fait le même constat. De nombreux dysfonctionnements sont constatés. Le syndicat propose des pistes d’amélioration : hausse du nombre d’heures de délégation, participation des suppléants aux réunions du CSE, mise en place obligatoire de représentants de proximité.

Le syndicat FO constate que les ordonnances Macron ont dégradé le dialogue social et fait le même constat que les autres syndicats.

Rien de nouveau sur le front !

Réponse à ces remarques, du ministère du Travail lors de la réunion des partenaires sociaux le 10 janvier 2022 : aucune réforme ou remise en cause des ordonnances Macron ne sera engagée. Fin de non-recevoir.

Après le mouvement des gilets jaunes, tout devait changer. Les citoyens devaient être partie prenante. Un monde nouveau devait s’ouvrir de dialogue et d’échange.

Vive le dialogue social !

Didier FORNO

CEOLIS

Spécialiste des CSE

Publié le 17/01/2022