Dans un jugement rendu le 15 mai 2023, la justice reconnaît la « faute inexcusable » de l’employeur, suite au suicide de l’un de ses salariés. Cette décision est l’occasion de revenir sur cette notion complexe et souvent difficile à démontrer.

 

L’obligation de sécurité de l’employeur

Dans le cadre du contrat de travail, l'employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, c'est-à-dire qu'il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur santé et leur sécurité au travail. Toutefois, il peut arriver que l'employeur manque à cette obligation et expose ses salariés à un risque grave, dont il avait ou aurait dû avoir conscience. Dans ce cas, on parle de « faute inexcusable » de l'employeur. Qu'est-ce que la faute inexcusable de l'employeur ? Quelles sont les conditions pour la caractériser ? Quelles sont les conséquences pour le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ? Cet article vous apporte des éléments de réponse, en s'appuyant sur la jurisprudence et la législation en vigueur.

La « faute inexcusable » de l’employeur

La faute inexcusable de l'employeur est une notion juridique qui désigne le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité envers ses salariés, lorsque celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il les exposait et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver. La faute inexcusable de l'employeur peut être invoquée par un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, afin d'obtenir une indemnisation complémentaire de la part de l'employeur ou de son assureur. La faute inexcusable de l'employeur doit être prouvée par le salarié, qui peut se baser sur des éléments tels que le témoignage d'autres salariés, des rapports d'inspection, des mises en demeure, etc. La reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur entraîne plusieurs conséquences, notamment l'augmentation de la rente versée au salarié par la sécurité sociale, la réparation intégrale du préjudice subi par le salarié (moral, physique, économique, etc.), et la possibilité pour le salarié de demander des dommages et intérêts pour le préjudice causé à ses proches.

Le cas du suicide d’un cheminot

Un salarié de la SNCF se suicide en 2018. Il s’est couché sur les rails juste avant le passage d’un train. Le jeune cheminot (26 ans) souffrait de l’éloignement géographique entre son lieu de travail et son domicile (130 kilomètres), du « sacrifice » de sa vie personnelle et d’une organisation du travail sous pression.

Selon le Tribunal judiciaire de Saint-Quentin, la SNCF a ignoré les multiples alertes par le salarié sur son intense souffrance au travail et n’a pas pris les mesures de prévention adaptées. Pire, elle aurait répondu à cette souffrance par des sanctions disciplinaires.

Le Tribunal de Saint-Quentin a jugé que le « lien entre ce suicide et le travail » était établi, et a condamné la SNCF à verser 80 000 euros à ses parents.

Comme souvent après un suicide lié au travail, l’employeur tente par tous les moyens d’échapper à sa responsabilité.

Après le suicide du jeune homme, la SNCF a renvoyé le suicide à des « problèmes personnels », puis, à multiplier les procédures pour ralentir la justice : refus de remise du rapport d’enquête du CHSCT, refus de reconnaissance en accident du travail, refus de remise du dossier agent, etc.).

Après cette condamnation, la SNCF aura-t-elle « l’indécence » de faire appel ?

Oui, sans doute, car dans ce genre d’affaires, l’employeur épuise en général toutes les voies de recours. Au-delà du coût financier du suicide au travail, pour l’entreprise, inconsciemment, cette obstination sur le plan juridique s’explique, vraisemblablement, par la difficulté qu’à l’employeur d’admettre qu’il est à l’origine de la mort d’une personne…

Didier FORNO

CEOLIS

Expert CSE

Publié le 06/06/2023