C’est une histoire à rebondissements et à épisodes successifs, digne de la série « Plus belle la vie ». Depuis plusieurs années, les juridictions se déchiraient sur l’application du barème « Macron » en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Avec la décision du 11 mai 2022 de la Cour de cassation sociale, le sujet semblait définitivement clos. Lire notre article : actualite/721-la-cour-de-cassation-valide-definitivement-le-bareme-macron.html

Et bien non !

La Cour d’appel de Douai a rouvert les hostilités (CA Douai, 21 octobre 2022, n° 20/011124).

Rappel du fonctionnement du barème « Macron »

Depuis l'ordonnance du 22 septembre 2017, l'article L 1235-3 du Code du travail fixe un barème de l'indemnité à la charge de l'employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le montant est compris entre un minimum et un maximum, variant en fonction de l'ancienneté du salarié.

Ce barème soulevé depuis la polémique. En effet, celui-ci aboutit à traiter tous les litiges aux prud’hommes de la même façon (sans tenir compte des spécificités de chaque affaire) et à déposséder les juges de leur pouvoir d’appréciation.

 

Quelle est l’argumentation de la Cour d’appel de Douai ?

La décision concerne un salarié, agent d’entretien. À 55 ans et après 21 ans d’ancienneté, celui-ci était licencié, pour avoir refusé plusieurs affectations de postes, suite à une réorganisation dans l’entreprise, puis, à des restrictions posées par le médecin du travail.

Le salarié avait obtenu devant le conseil des prud’hommes la requalification du licenciement sans cause réelle et sérieuse. À ce titre, il avait perçu une indemnité de 23 960 euros, soit 16 mois de salaires, conformément au barème « Macron ».

À l’occasion de l’appel formé par l’employeur, le salarié réclamait une indemnisation supérieure, soit 32 000 euros, représentant 21 mois de salaire.

Cette demande est validée par la Cour d’appel de Douai, en dépit de l’arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2022, sur l’application du barème « Macron ».

La Cour d’appel estime « qu’il est des cas comme en l’espèce, qui restent exceptionnels, dans lesquels l’indemnisation légale prévue apparaît comme insuffisante, eu égard aux charges de famille du salarié, et aux difficultés à retrouver un emploi après un licenciement pour impossibilité de reclassement, avec avis du médecin du travail avec de fortes restrictions. »

Elle condamne la société a verser au salarié 30 000 euros de dommages-intérêts.

 

Les critiques du barème « Macron » par la Cour d’appel de Douai

La Cour se montre très critique sur les arguments avancés par la Cour de cassation pour valider le barème « Macron ».

Un caractère dissuasif non démontré

D’après la Cour de cassation, le mécanisme de remboursement par l’employeur des allocations chômage en cas de licenciement injustifié, dissuaderait l’employeur de licencier sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel de Douai n’est pas de cet avis, le caractère dissuasif n’ayant jamais été démontré.

Une protection insuffisante du licencié

La Cour d’appel de Douai précise « qu’il n’est pas démontré que le barème puisse assurer, dans tous les cas, une protection juridique suffisante des personnes licenciées ».

Égalité et individualisation ne s’opposent pas

Troisième argument de la Cour d’appel « le principe d’égalité ne s’oppose pas au principe d’individualisation des décisions de justice qui ressort de l’office du juge ».

Le principe de « réparation » n’est pas respecté

Et la Cour d’appel d’enfoncer le clou : « Le barème « Macron » ne prévoit aucune clause de dépassement du barème. Il ne répond manifestement pas au principe de réparation adéquate. En effet, il ne permet pas la prise en compte des circonstances particulières liées notamment aux charges de famille ou aux difficultés de retrouver un emploi ».

Didier FORNO

Assisitance juridique CSE

CEOLIS

Publié le 04/12/2022