Le projet de loi devant réformer le code du travail a été présenté au Conseil d’Etat et dévoilé dans la presse.
 

Alors que l’été 2015 a vu l’adoption de deux lois (loi « Rebsamen » et loi « Macron ») modifiant sensiblement certains aspects du code du travail et notamment les institutions représentatives du personnel dans les entreprises de moins de 300 salariés, ce projet va beaucoup plus loin dans la refondation du dialogue social et la modification de la relation de travail entre le salarié et son employeur.
 

Quelles en sont les principales dispositions ?

La philosophie principale de ce projet de loi est de permettre l’adaptation des principales dispositions régissant le travail (durée maximale, repos, heures supplémentaires…) au niveau de l’entreprise par la signature d’accords.

Les 61 principes de base issus du rapport présenté début 2016 par Robert Badinter définissent le cadre dans lequel le code du travail édictera des dispositions d’ordre de public et les possibilités de négociation offertes aux partenaires sociaux.

Même si les principaux acquis ne sont pas directement remis en cause (35 heures, majoration des heures supplémentaires, temps de repos minimum,…) de nombreuses dérogations pourront être « négociées » ce qui conduira à avoir autant de versions du code du travail qu’il y aura d’entreprises !

Mise en place de référendum pour valider des accords

Actuellement, la plupart des accords d’entreprise sont validés si les organisations syndicales signataires représentent 30% des salariés et que les organisations syndicales représentant plus de 50% des salariés ne s’y opposent pas.

Demain, les accords d’entreprise ne seraient validés que s’ils sont signés par des organisations syndicales représentant plus de 50% des salariés ; par ailleurs, les organisations syndicales non signataires ne pourraient plus s’y opposer. Dans le cas où les organisations signataires ne représenteraient que 30% des salariés, elles pourraient demander l’organisation d’un référendum. En cas d’approbation par plus de 50% des suffrages valablement exprimés lors du référendum, l’accord serait déclaré valide.

En conséquence, le refus de signer un accord par des organisations syndicales représentant plus de 50% des salariés pourra être contourné par l’expression directe des salariés !

Révision et dénonciation des accords

Actuellement un accord ne peut être révisé ou dénoncé que par les organisations syndicales qui l’ont signé. Le projet de loi prévoit, qu’après une période initiale couvrant le cycle électoral en cours, tout accord pourra être révisé ou dénoncé par l’ensemble des organisations syndicales représentatives même si elles n’ont pas signé cet accord.

Accord en vue de la préservation ou le développement de l’emploi

Les accords de « maintien dans l’emploi » apparus dans la loi LSE de juin 2013 et modifiés à l’été 2015 ont pour but de permettre à une entreprise de modifier, pendant une durée maximale de 5 ans, les dispositions essentielles telles que la durée du travail ou le niveau de rémunération en cas de graves difficultés économiques conjoncturelles. En cas de refus de la part du salarié, celui-ci est licencié pour motif économique sans pouvoir bénéficier des dispositions liées au PSE.

Le projet de loi propose d’étendre ces accords au développement de l’emploi (sans nécessité de la présence de difficultés économiques) et en supprimant la notion de licenciement économique pour les salariés qui refuseraient un tel accord : le licenciement ne serait plus que pour motif personnel et reconnu comme ayant une cause réelle et sérieuse par le code du travail : la possibilité d’obtenir la réparation d’un préjudice du fait de ce licenciement devient quasi nulle.

Plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif

Alors que le Conseil des prud’hommes peut attribuer des indemnités en cas de licenciement abusif selon son jugement, celles-ci seraient plafonnées en fonction de l’ancienneté du salarié :

  • Maximum 3 mois de salaire pour une ancienneté inférieure à 2 ans
  • Maximum 6 mois de salaire pour une ancienneté entre 2 et 5 ans
  • Maximum 9 mois de salaire pour une ancienneté entre 5 et 10 ans
  • Maximum 12 mois de salaire pour une ancienneté entre 10 et 20 ans
  • Maximum 15 mois de salaire pour une ancienneté d’au moins 20 ans

Ce plafonnement ne s’appliquera pas en cas de « harcèlement moral », « licenciement discriminatoire », d'« atteinte à la dignité » ou  de licenciement sans autorisation d’un salarié protégé.

En cas de nullité de licenciement d’un licenciement économique, l’indemnité minimale fixée actuellement à 12 mois de salaire serait abaissée à 6 mois de salaire.

Durée du travail

La durée légale du travail reste fixée à 35 heures mais un accord d’entreprise peut fixer une durée supérieure, les heures à partir de la 36ème étant considérées comme des heures supplémentaires majorées au minimum de 10% ou faisant l’objet d’un repos compensateur.

La durée maximale quotidienne est fixée à 10 heures mais un accord d’entreprise peut l’étendre à 12 heures.

La durée maximale hebdomadaire est fixée à 48 heures au cours d’une même semaine ou 44 heures sur une durée maximale de 16 semaines (12 actuellement). Toutefois, un accord pourra porter ces durées à 60 heures sur une même semaine et 46 heures sur 16 semaines.

En cas de signature d’un accord d’aménagement du temps de travail qui prévoit le calcul de la durée sur une période de référence celle-ci pourra être portée à 3 ans. A défaut d’accord, la période de référence est de 16 semaines dans les entreprises de moins de 50 salariés et de 4 semaines pour les entreprises d’au moins 50 salariés.

Pour les salariés en forfait jour, la période de repos minimale de 11 heures qui est actuellement non fractionnable pourra être fractionné. Un accord d’entreprise pourra définir les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait (en heures ou en jour) ainsi que les modalités de ces conventions. En cas d’absence d’accord dans les entreprises de moins de 50 salariés, des conventions individuelles de forfaits en heures ou en jours pourront être proposées par l’employeur aux salariés.

Le droit syndical

Le gouvernement prévoyant une inflation du nombre de négociations à la suite de ce bouleversement, le nombre d’heures de délégation accordées aux délégués syndicaux augmente légèrement :

  • Entreprise ou établissement de 50 à 150 salariés : 12 heures au lieu de 10
  • Entreprise ou établissement de 151 à 499 salariés : 18 heures au lieu de 15
  • Entreprise ou établissement d’au moins 500 salariés : 24 heures au lieu de 20

La subvention de fonctionnement du comité d’entreprise

Actuellement limitée au financement des attributions économiques et professionnelles du comité d’entreprise, la subvention pourra être utilisée pour :

  • Financer la formation des Délégués du Personnel et des Délégués Syndicaux
  • Financer la réalisation d’expertise par le CHSCT en cas de non prise en charge par l’employeur

Autres dispositions

Ce projet de loi prévoit de modifier beaucoup d’autres dispositions du code du travail concernant les apprentis, le travail de nuit, le compte personnel d’activité, la dématérialisation du bulletin de paye, le télétravail et le travail à distance. Nous reviendrons dessus dans un prochain article.

Avec ce projet de loi, il est évident que la volonté du gouvernement est de permettre aux partenaires sociaux de négocier au sein même de l’entreprise les principales dispositions qui régissent la relation de travail entre l’employeur et les salariés.

Sous couvert d’apporter plus de flexibilité dans le dialogue social et une meilleure réponse aux problématiques spécifiques rencontrées par chaque entreprise, ce mécanisme risque de remettre en cause beaucoup d’acquis sociaux, en particulier dans les entreprises dépourvues de représentation syndicales ou lorsque celle-ci est faible.

Hugues NODET
CEOLIS

Publié le 17/02/2016