L’arrivée de l’automne ouvre traditionnellement dans les entreprises, la période de négociation sur les salaires. C’est l’occasion pour les élus du personnel de se préparer aux négociations annuelles obligatoires, dites « NAO ». Cette négociation s’inscrit dans un cadre inédit depuis des décennies, à savoir, une inflation forte et des risques de récession, liés à la guerre en Ukraine.

Situation aggravée par une pénurie de personnel dans pratiquement tous les métiers…

La situation sociale dans de nombreuses entreprises est tendue : d’après l’étude de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), 39 % des DRH anticipent « une dégradation des relations sociales » dans leur entreprise« Il y a un climat relativement tendu, pas seulement en raison de l’inflation, mais à cause de la machine à laver dans laquelle nous évoluons depuis trois ans, du Covid à la guerre en Ukraine en passant par les difficultés de recrutement, rappelle Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH ».

Alors, que peuvent espérer négocier les syndicats et les salariés ? Tour d’horizon d’un sujet brulant !

 

 

Augmentations de salaire, la quadrature du cercle !

La situation exceptionnelle que nous traversons crée des intérêts contradictoires.

La récession annoncée incite les employeurs à la plus grande prudence, sur les augmentations octroyées, en raison d’une situation économique incertaine, tout en devant être attractifs, sur un marché du travail, marqué par la pénurie de main-d’œuvre.

Les salariés connaissent une baisse de leur pouvoir d’achat jamais vu depuis les années 80. Avec une inflation à 5,2 % pour 2022 et 5,8 % (prévisions) pour 2023, ils souhaitent obtenir des revalorisations salariales significatives.

Les NAO s’annoncent difficiles. La multiplication des grèves en est l’un des symptômes.

 

NAO obligatoires dans certaines entreprises

La négociation annuelle obligatoire (NAO) sur les salaires concerne toutes les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives de salariés. Cette négociation est imposée par le Code du travail : Article L2242-1, modifié par Ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017 - art. 7 :

« Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, l'employeur engage au moins une fois tous les quatre ans :

1° Une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise ;

2° Une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail ».

Un accord collectif peut fixer une périodicité différente. A défaut, cette négociation a lieu chaque année.

L’employeur qui ne prend pas l’initiative d’engager cette concertation s’expose à des sanctions financières et pénales. Il lui appartient donc de convoquer les organisations syndicales pour négocier.

Les thèmes suivants sont obligatoirement abordés lors des NAO :

Négociation obligatoire

Thèmes abordés

Rémunération, temps de travail, partage de la valeur ajoutée

Salaires bruts, primes, avantages en nature, etc.. à l’exclusion des décisions individuelles en matière de rémunération

Durée effective et organisation du temps de travail

Intéressement, participation et épargne salariale

Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et qualité de vie au travail

Articulation entre la vie personnelle et vie professionnelle

Objectifs et mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle

Possibilité de maintenir l’assiette des cotisations des salariés à temps partiel au niveau de ceux des salariés à temps plein pour l’assurance vieillesse

Mesures pour lutter contre la discrimination

Mesures concernant l’emploi des handicapés

Assurance frais santé

Exercice du droit d’expression directe et collective des salariés

Droit à la déconnexion

Prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels

Gestion des emplois et des parcours professionnels (entreprise d’au moins 300 salariés)

Mise en place d’un dispositif de gestion des emplois et des compétences (GPEC)

Mobilité professionnelle ou géographique interne

Grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle

Recours aux différents contrats de travail, au temps partiel et aux stages

Déroulement de la carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales

 

Comment se déroulent les NAO ?

En général, plusieurs réunions sont nécessaires. Lors de la première, sont déterminés le calendrier des réunions et la liste des documents qui seront remis aux délégués syndicaux. Les délégués syndicaux peuvent également s’appuyer, pour négocier, sur les documents contenus dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE). Ils y trouveront de nombreuses informations utiles.

 

Rappel : les employeurs d'au moins 50 salariés doivent mettre à disposition du comité économique et social (CSE) et des représentants du personnel cette BDESE. Elle rassemble les informations sur les grandes orientations économiques, sociales et environnementales de l'entreprise.

La ou les réunions suivantes doivent permettre aux pourparlers d’avancer. Il est important à ce stade que les élus avancent des revendications crédibles et argumentées, c’est-à-dire en phase avec les réalités économiques et financières de l’entreprise. Un argumentaire construit et étayé sera plus difficilement contesté par l’employeur, sauf mauvaise foi... Trop souvent, les élus se présentent devant l’employeur sans éléments concrets !

Tant que dure la négociation, l’employeur ne peut prendre aucune décision unilatérale sur les sujets abordés.

Il n’est pas obligatoire d’aboutir à un accord. Si les NAO aboutissent, un accord écrit est signé entre les parties. En l’absence d’accord, un procès-verbal (de désaccord) est établi. Il rappelle les propositions de chaque partie et les décisions unilatérales de l’employeur, éventuellement prises.

 

NAO 2024 : quelles augmentations espérer ?

Les prévisions économiques

En raison de la guerre en Ukraine, il convient d’être très prudent sur les anticipations économiques. La Banque de France (note conjoncturelle de septembre 2023) anticipe les projections suivantes :

  • Croissance du PIB : +0,9 % en 2023 et 2024,
  • Taux de chômage : stable à 7,2 % en 2023,
  • Taux d’inflation : + 5,8 % en 2023, + 2,6 % en 2024 et retour à la normale en 2025 (+1,8 %).

Salaires : 3,8 % d’augmentation attendue en 2024

Les Français « devraient » gagner du pouvoir d'achat en 2024. C'est en tout cas ce que prévoit le gouverneur de la Banque de France, François VILLEROY DE GALHAU qui évoque une hausse des salaires d'environ 4 % l’année prochaine.

Selon le cabinet ALIXIO, cette augmentation de la rémunération des salariés français pourrait être moindre, de l’ordre de 3,8 %.

Les PME seraient un peu plus généreuses (+4 % attendu) que les grandes entreprises (+3,4 %).

Le problème du tassement des rémunérations vers le bas

On parle de « smicardisation » des bas salaires. C’est une situation dans laquelle les salaires de l’ensemble des salariés ou d’une catégorie de salariés ont tendance à régresser vers le salaire minimum.

Plus de la moitié des entreprises sont confrontées à un tassement de la grille salariale, suite aux hausses successives du SMIC, calées sur l’inflation.

Prix-salaires : la course-poursuite !

Certes, d’après les prévisions, le pouvoir d’achat des salariés va s’améliorer en 2024. Il ne faut pas oublier, pour autant, que ces 2 dernières années, le pouvoir d’achat des ménages a été considérablement amputé. La hausse du coût de la vie est devenue difficilement tenable pour nombre de ménages, surtout pour le prix de l’énergie (gaz, électricité, carburant).

 

Conclusion

Au moment où les NAO démarrent dans de nombreuses entreprises, les élus du personnel doivent mettre en œuvre une stratégie de négociation préparée. Les NAO ne s’improvisent pas ! Il est utile, de présenter à l’employeur un argumentaire étayé. Les élus seront particulièrement attentifs à la perte de pouvoir d’achat ces dernières années et au tassement des salaires vers le bas.

Didier FORNO

Expert-comptable spécialisé dans les CSE

CEOLIS

Publié le 21/09/2023