La prévalence des risques professionnels selon les employeurs

En 2013, 38 % des employeurs estiment que certains de leurs salariés sont exposés à des risques physiques, 15 % que ces risques concernent au moins la moitié de leurs salariés. Les risques professionnels sont donc un enjeu important pour plus de la moitié des employeurs.

La manutention manuelle de charges lourdes et les postures pénibles sont les pénibilités physiques le plus souvent citées : près de 10 % des employeurs déclarent que plus de 50 % de leurs salariés y sont exposés. Y être exposé accroît les risques d’accidents du travail ou de maladie professionnelle telle que la lombalgie.

Le travail dans l’urgence est le risque psychosocial le plus évoqué, 12 % des responsables d’établissements déclarent que plus de la moitié de leurs salariés ou agents y sont soumis. Pour chacun des autres risques psychosociaux repérés par l’enquête, moins de 5 % des établissements disent que la majorité de leurs salariés ou agents sont concernés.
Les risques psychosociaux au travail agissent sur la santé physique ou mentale à travers des mécanismes psychiques. Travailler intensément, manquer d’autonomie ou de soutien social, craindre pour son emploi ou sa sécurité en sont des exemples. Y être exposé accroît les risques de dépression, d’infarctus ou de troubles musculo-squelettiques.

Les employeurs de l’État (FPE) ainsi que la fonction publique hospitalière (FPH) jugent plus souvent que leurs salariés y sont exposés : alors que plus de 40% des établissements de la fonction publique d’État ont plus de 50% de leurs salariés qui sont soumis à un ou plusieurs risques psychosociaux ce taux est inférieur à 15% dans les établissements privés !

Évaluation des risques : le document unique peu présent

Pour bien identifier tous les risques encourus sur le lieu de travail et conduire des actions de prévention, l’employeur doit élaborer un document unique d’évaluation des risques (DUER). Ce document doit être mis à jour au moins une fois par an et revu après chaque accident du travail.
En pratique, seuls 46 % des responsables d’établissements disent avoir élaboré ou actualisé un DUER au cours des 12 mois précédant l’enquête. Dans la fonction publique, en particulier, cette évaluation n’est pas toujours disponible : 75 % des établissements de la FPH l’ont faite, mais seulement 51 % des établissements de la FPE et 33 % des collectivités territoriales (FPT). En revanche, 93 % des établissements du secteur privé employant 250 salariés et plus ont élaboré ou actualisé leur DUER contre seulement 40% pour les établissements de moins de 10 salariés : la présence d’instances représentatives du personnel (DP, CE et surtout CHSCT) est un facteur important obligeant les employeurs à formaliser l’évaluation des risques, étape nécessaire pour une prévention efficace.

Dans le secteur privé, l’évaluation actualisée des risques est associée à la présence de pénibilités physiques et d’innovations organisationnelles (« lean », normes ISO). Les établissements dotés d’un CHSCT sont beaucoup plus enclins, à taille et autres caractéristiques identiques, à disposer d’un DUER actualisé ; l’occurrence d’une grève au cours des 12 derniers mois, signe d’une activité revendicative des salariés, joue également. En lien avec l’obligation légale, le DUER est aussi plus souvent présent et actualisé lorsqu’un accident du travail a eu lieu dans l’établissement dans les 12 derniers mois : l’enquête obligatoire après un accident du travail pousse les employeurs à respecter la loi !

Une politique de prévention peu active dans la fonction publique et les TPE

Afin de prévenir les risques professionnels dans leurs établissements, 57 % des employeurs déclarent mettre en œuvre des mesures de prévention au cours des 12 mois : 43 % ont entrepris une action nouvelle de prévention des risques professionnels, 14 % ont simplement poursuivi les actions antérieures. Les employeurs n’ayant entrepris aucune action de prévention (43 %) sont surreprésentés dans le commerce, l’hébergement et la restauration ainsi que dans les « autres services », il s’agit souvent de très petits établissements (TPE). La fonction publique territoriale a également un faible pourcentage d’employeurs ayant entrepris au moins une action de prévention.

Dans l’ensemble, les mesures récentes les plus fréquemment prises sont la mise à disposition de nouveaux équipements de protection individuelle (EPI), la formation à la sécurité du personnel (près de 20 % chacune) et la modification des locaux, des produits utilisés et des équipements de travail (17 %).
La mise à disposition de nouveaux EPI est la mesure phare dans les TPE. Dans les établissements de plus grande taille, c’est la formation du personnel qui est privilégiée. Les mesures récentes sont développées surtout dans le secteur de la construction (mise à disposition de nouveaux EPI) et dans les transports (développement de la formation à la sécurité du personnel).

La modification de l’organisation du travail et l’élaboration d’un nouveau plan de prévention des risques professionnels, qui concernent chacune environ 1 établissement sur 10, sont plus particulièrement adoptées dans le secteur hospitalier et dans les établissements de plus de 250 salariés. Dans le secteur privé, ces nouvelles mesures de prévention sont plus fréquentes quand l’établissement a mis en œuvre des changements organisationnels. Elles sont également plus fréquentes dans les établissements où un accident du travail a eu lieu au cours des 12 derniers mois dans l’établissement : soit que la dangerosité des postes suscite des mesures de prévention plus actives, soit que l’accident suscite des nouvelles mesures.

Les relations sociales jouent également, avec une corrélation positive entre ces mesures et la présence syndicale, la présence d’un CHSCT et l’occurrence d’un conflit récent.

Les dispositifs de prévention des risques psychosociaux

La prévention des RPS est parfois intégrée au document d’évaluation des risques. C’est le cas pour 29 % des établissements, mais pour seulement 22 % des établissements privés de moins de 10 salariés contre 82 % de ceux de 500 salariés et plus, et pour 71 % dans la fonction publique hospitalière contre environ 40 % dans les deux autres fonctions publiques.

Pour prévenir les risques psychosociaux, au cours des 12 mois précédant l’enquête, 24 % des établissements ont recouru à une mesure d’ordre collectif : aménagement des horaires, modification de l’organisation du travail ou encore mise en œuvre de procédures de résolution des conflits.
22 % des établissements ont pris des mesures au niveau individuel : procédures de signalement de salariés en situation de risque, de salariés ayant des conduites addictives, ou assistance aux salariés de manière confidentielle.
Le troisième type de mesure, la formation spécifique des salariés ou des managers à la prévention des risques psychosociaux, est moins courant : seulement 14 % des établissements y ont eu recours.
Les mesures d’ordre collectif sont considérées comme les plus efficaces car elles s’attaquent « aux causes profondes des RPS : le travail et son organisation ». Dans le secteur privé, ces mesures sont moins souvent prises dans l’industrie et la construction, mais davantage dans les établissements de santé. Les établissements qui utilisent une organisation en « lean » privilégient plus souvent ces mesures collectives.

Source DARES-Analyses n°2016-013

Hugues NODET
CEOLIS

Publié le 23/03/2016