Les experts au service du CE

Le comité d’entreprise à la faculté de recourir à des experts pour l’aider à maîtriser les domaines économiques, financiers et professionnels sur lesquels il est amené à formuler des avis.

En l’absence de CE (carence), les attributions économiques de celui-ci sont exercées par les délégués du personnel qui peuvent alors avoir recours aux experts dans les mêmes conditions que le CE.

Les différents experts

En fonction de ses besoins, le CE peut recourir à différents types d’experts :

  • Expert-comptable
    Le CE, quel que soit la taille de l’entreprise, sa forme juridique, peut faire appel à un expert-comptable dans un certain nombre de cas prévus par la loi.
     
  • Expert en technologie
    Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, le CE peut faire appel à un expert spécialisé en cas de projet important d’introduction de nouvelles technologies.
     
  • Expert « contractuel » ou « libre »
    A tout moment, le CE peut faire appel à un expert de son choix pour l’aider à remplir ses attributions.

Expert-comptable

Entreprises concernées

Tous les comités d’entreprise peuvent faire appel à un expert-comptable (art L2325-35).

Comités habilités à désigner un expert-comptable

Structure simple
Tous les comités d’entreprise peuvent recourir à un expert-comptable y compris au sein d’une unité économique et sociale (UES).

Structure complexe
Cas des entreprises (ou UES) composées de plusieurs établissements et comportant chacune un comité central d’entreprise (CCE) et des comités d’établissement.

Dans ce cas, le CCE et les différents CE peuvent mandater un expert-comptable, chacun à leur niveau. L’expertise demandée par le CCE portera sur l’examen des comptes globaux de l’entreprise (ou UES) et celles demandées au niveau des établissements porteront sur les comptes annuels des établissements concernés.

Dans un groupe
Le comité de groupe peut se faire assister d’un expert-comptable qui sera rémunéré par l’entreprise dominante (art. L2334-4).

Choix de l’expert-comptable

Le choix de l’expert-comptable est libre pour le CE. La seule condition étant qu’il soit inscrit au tableau de l’Ordre des experts-comptables et titulaire du diplôme d’expertise comptable.

L’employeur a l’interdiction d’intervenir dans le choix de l’expert, ni imposer un expert, ni faire pression pour empêcher la désignation d’un expert-comptable. Tout acte de cette nature constitue un délit d’entrave.

Le recours à un expert doit être décidé par le CE au cours d’une réunion officielle ordinaire ou extraordinaire ; un vote n’est pas obligatoire sauf en cas de désaccord entre les membres élus du CE.

Les différentes missions de l’expert-comptable

Objet de la mission : assister le CE
« Le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. » (art. L2323-1). L’expert-comptable doit donc aider le CE en traduisant en langage clair et compréhensible pour des non-spécialistes l’ensemble des données que l’employeur met à disposition du CE dans le cadre des différentes consultations obligatoires.

  1. Examen annuel des comptes
    Première des missions prévues par la loi (art. L2325-35), l’aide de l’expert-comptable en vue de la consultation portant sur la situation économique et financière de l’entreprise doit permettre au CE d’apprécier la situation propre de l’entreprise (économique, financière, organisationnelle) en relation avec son environnement (concurrence, conjoncture économique…).
     
  2. Examen des comptes prévisionnels
    Deux fois par exercice, le CE peut se faire assister pour analyser les documents comptables et de gestion prévisionnels rendus obligatoires dans les entreprises de plus de 300 salariés que sont les sociétés commerciales, GIE, entreprises publiques et personnes morales de droit privé exerçant une activité économique. Dans les entreprises de moins de 300 salariés établissant volontairement ces documents, le CE peut également avoir recours à un expert.
    La mission de l’expert-comptable est d’éclairer le comité d’entreprise sur la vraisemblance des hypothèses retenues par la direction, la cohérence d’ensemble des informations retenues avec la situation de l’entreprise et les incidences économiques, sociales et financières.
     
  3. Examen des orientations stratégiques
    Prévue par l’article L2323-10, la consultation du CE sur les orientations stratégiques de l’entreprise doit lui permettre de donner un avis, voire de proposer des orientations alternatives sur la stratégie décidée par l’organe d’administration (conseil de surveillance, conseil d’administration…) et sur les conséquences prévisibles sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail…
    Pour ce faire, le CE peut se faire assister d’un expert-comptable ; cette possibilité ne se substitue pas aux autres expertises.
     
  4. Vérification du montant de la participation
    Dans les entreprises soumises à l’obligation de constituer une réserve spéciale de participation, ‘employeur doit remettre au CE un rapport sur la participation dans les 6 mois qui suivent la clôture de l’exercice.
    A cette occasion, le CE peut se faire assister par un expert-comptable rémunéré par l’entreprise qui l’aidera à vérifier le contenu du rapport et notamment le calcul du montant de la participation.
     
  5. Procédure d’alerte
    « Lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications.
    Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité d'entreprise.
    Si le comité d'entreprise n'a pu obtenir de réponse suffisante de l'employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport. (…).
    Ce rapport, au titre du droit d'alerte économique, est transmis à l'employeur et au commissaire aux comptes
    . » (art. L2323-50).
    Dans le cadre du droit d’alerte et de manière à l’aider dans l’analyse des difficultés rencontrées par l’entreprise, le CE peut se faire assister par un expert-comptable (art. L2323-51).
    Lorsque de nouveaux faits arrivent en cours de procédure, le CE peut compléter la mission de l’expert par l’analyse de ceux-ci.
     
  6. Procédure de licenciement économique
    L’intervention de l’expert-comptable en cas de licenciement économique consiste à analyser les raisons et la pertinence de la mesure envisagée, à en apprécier les conséquences financières, économiques et sociales pour aider le CE à émettre son avis.
    Celui-ci doit être désigné dès la première réunion du CE convoquée par l’employeur et portant sur l’information de celui-ci du projet envisagé (art. L1233-34).
    De plus, dans le cas où l’employeur décide d’ouvrir une négociation avec les organisations syndicales en vue d’obtenir la signature d’un accord portant sur tout ou partie des modalités du PSE (plan de sauvegarde de l’emploi), l’expert-comptable peut également être mandaté pour apporter toute analyse utile aux organisations syndicales.
     
  7. Négociation d’un accord de maintien de l’emploi
    Mis en œuvre dans le cadre de l’article L5125-1, les accords de maintien de l’emploi doivent permettre, lorsqu’une entreprise traverse de graves difficultés économiques conjoncturelles, de maintenir les emplois pendant la durée de validité de l’accord en contrepartie d’aménagements dans l’organisation du travail, la durée du temps de travail et les rémunérations.
    Un expert-comptable peut être mandaté par le comité d'entreprise pour accompagner les organisations syndicales dans l'analyse du diagnostic et dans la négociation.
    La mission de l’expert-comptable se déroulera en deux temps :
    • Vérifier l’existence de « graves difficultés conjoncturelles »
    • Assister les organisations syndicales dans la négociation via des analyses et conseils :
      1. cohérence économique des mesures de redressement proposées par l’employeur ;
      2. adéquation à la situation des « efforts proportionnés » envisagés pour « les dirigeants salariés », « les mandataires sociaux et les actionnaires » ;
      3. analyse des mesures d’accompagnement pour les salariés qui refuseraient l’application de l’accord à leur contrat de travail ;
      4. appréciation des mesures envisagées par l’employeur en cas d’échec du redressement de l’entreprise ;
      5. assister les représentants des salariés dans la définition des modalités de suivi de l’accord…

 

  1. Reprise d’un établissement (loi « Florange »)
    Les entreprises d’au moins 1000 salariés qui envisagent la fermeture d’un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif doivent chercher un repreneur (art. L1233-57-14).
    A l’occasion de cette procédure, le CE peut faire appel à un expert-comptable rémunéré par l’employeur pour « analyser le processus de recherche d'un repreneur, sa méthodologie et son champ, d'apprécier les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels, d'étudier les offres de reprise et d'apporter son concours à la recherche d'un repreneur par le comité d'entreprise et à l'élaboration de projets de reprise » (art. L1233-57-17).
     
  2. Opération de concentration
    Instituée par la loi n°2015-994 du 17 août 2015 (loi « Rebsamen »), cette mission permet au CE d’être conseillé lorsque l’entreprise est partie à une opération de concentration telle que définie à l’article L430-1 du Code de commerce et portant sur des entreprises d’une certaine taille : plus de 150 millions d’euros de CA mondial dont plus de 50 millions d’euros en France.
    Dans ce cas, l’expert-comptable dispose d’un délai de 8 jours après la notification de la décision de l’Autorité de la concurrence pour remettre son rapport.
     
  3. OPA
    Egalement instituée par la loi « Rebsamen », la mission de conseil lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une offre publique d’achat doit permettre au CE de comprendre les enjeux et les conséquences de cette offre sur l’entreprise achetée en termes d’emploi, de conditions de travail…

Les moyens de l’expert-comptable

Dans le cadre de sa mission, l’expert-comptable à différents moyens à sa disposition.

  • Les documents mis à disposition du commissaire aux comptes.
    Les pouvoirs d’investigation dont bénéficie l’expert-comptable est semblable à celui du commissaire aux comptes de l’entreprise ; il a donc accès aux mêmes documents que lui (y compris les documents ayant un caractère confidentiel et ceux concernant des sociétés mères ou des filiales situées à l’étranger).
  • Son pouvoir d’appréciation.
    En tant que professionnel et membre de l’Ordre des experts-comptables, l’expert-comptable est seul juge pour apprécier les documents qu’il estime utiles à l’exercice de sa misison. Ni l’employeur, ni même le juge, ne peut substituer leur appréciation à celle de l’expert. Toutefois l’employeur peut saisir le TGI pour contester le droit d’accès aux documents  que l’expert réclame en cas d’abus de droit caractérisé.
  • La possibilité d’agir directement en justice.
    L’expert-comptable peut saisir directement le juge des référés (du TGI) en cas de refus par l’employeur de fournir les documents demandés dans le cadre de sa mission. Il n’a pas besoin de l’autorisation (par l’intermédiaire d’une résolution) du CE.
  • Accès aux locaux de l’entreprise
    Dans le cadre de sa mission, l’expert-comptable à accès aux locaux de l’entreprise afin de pouvoir consulter les documents tenus à sa disposition. Il ne peut toutefois interroger le personnel de l’entreprise qu’avec l’accord de l’employeur.

La rémunération de l’expert-comptable

L’expert-comptable qui intervient dans le cadre d’une mission prévue par la loi est rémunéré par l’employeur. Pour la seule mission d’assistance à la consultation sur les orientations stratégiques, par exception, la rémunération de l’expert-comptable est partagé entre l’entreprise et le CE qui la prend en charge à hauteur de 20% (sur le budget de fonctionnement). Cette prise en charge par le CE ne peut dépasser le tiers de son budget annuel (art. L2323-10).

La rémunération est fixée librement par l’expert-comptable, dans le respect des préconisations de la profession. En cas de contestation sur le montant demandé, l’Ordre des experts-comptables propose le recours à la procédure de conciliation organisée par le Conseil régional de l’Ordre. Cette procédure n’est pas obligatoire, il est toujours possible à l’employeur de saisir le TGI en référé (procédure d’urgence).

Expert en technologies

Quelles entreprises ?

Le recours à un expert en technologies est possible dans les entreprises d’au moins 300 salariés et pour lesquelles l’employeur consulte le CE sur un projet d’introduction de nouvelles technologies. Ce projet doit avoir des conséquences sur l’emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail (art. L2325-38).

Dans les entreprises de moins de 300 salariés, le CE peut désigner un expert « libre », rémunéré à l’aide de la subvention de fonctionnement.

Désignation de l’expert

Contrairement aux expertises menées par un expert-comptable dans le cadre des missions prévues par la loi (cf. ci-dessus), le recours à un expert technique nécessite un accord entre l’employeur et la majorité des membres du CE (art. L2325-38).

« En cas de désaccord sur la nécessité d'une expertise, sur le choix de l'expert ou sur l'étendue de la mission qui lui est confiée, la décision est prise par le président du tribunal de grande instance statuant en urgence » (art. L2325-38).

Les moyens de l’expert

  • Tout comme l’expert-comptable, l’expert technique à accès aux locaux de l’entreprise dans les mêmes conditions.
  • L’expert à accès aux documents relatifs au projet d’introduction de nouvelles technologies et à ses conséquences sociales remis au CE dans le cadre de l’information/consultation. Dans le cas où un plan d’adaptation tel que prévu à l’article L2323-30 est mis en œuvre, l’expert technique en dispose également.
    Aucun accès à d’autres documents ne lui est reconnu.

Rémunération de l’expert technique

L’expert technique est rémunéré par l’entreprise (art. L2325-40) dans le cas des entreprises d’au moins 300 salariés.
En cas de litige, le TGI est compétent.

Expert « contractuel » ou « libre »

Le recours par le CE à un expert « contractuel » est défini par l’article L2325-41 :

« Le comité d'entreprise peut faire appel à tout expert rémunéré par ses soins pour la préparation de ses travaux.
Le recours à un expert donne lieu à délibération du comité.
L'expert choisi par le comité dispose des documents détenus par celui-ci. Il a accès au local du comité et, dans des conditions définies par accord entre l'employeur et la majorité des membres élus du comité, aux autres locaux de l'entreprise. 
»

Publié le 06/01/2016